«Si tu savais comme elles sont longues, ces nuits sans sommeil où, en parfaite insomniaque, je rêve éveillée que tu m'embrasses, que je sois née dans un autre corps plus beau, un corps plus solide doté d'un visage qui ne nécessite pas d'être maquillé. » Jessica
Je fixe le plafond. Les minutes, les heures, les jours passent sans que la monotonie du plafond ne change. L'horloge de mon cœur a cessé de tourner cependant, comme si un objet s'était coincé dans l'engrenage. Comme si ma peine avait rouillé le mécanisme. Mon regard se perd dans le vide, à l'image du trou noir dans mon estomac qui absorbe toutes mes émotions. Ne rien ressentir pour mieux tout supporter. Quelle stratégie pitoyable !
Face à mon absence de réactions, Abigail a cessé ses gestes mesquins, lasse de m'embêter, ou peut-être pense-t-elle avoir gagné ? Après tout, je n'ai pas adressé la parole à son frère depuis notre dernière conversation où je me suis enfuie. Pourtant, impossible de chasser son nom de ma tête, de ne pas imaginer son visage, ses yeux posés sur moi. Tristan... J'ai sa voix qui résonne dans mon crâne, une musique perpétuelle, les paroles d'une chanson que je n'arrive pas à oublier. Je tente vainement de me convaincre qu'il s'agit de la bonne décision, que je dois l'éviter, mais mes actions me paraissent dénuées de sens. Son prénom colle à ma peau, repousser cette vision de lui me déchire de l'intérieur.
Mais, où trouver le courage d'affronter le jugement d'Abigail ?
Je me prépare machinalement ce matin-là, comme tous les autres. Sur le chemin vers l'école, Jacob abandonne l'idée de converser avec moi et enfonce ses écouteurs dans ses oreilles. Nous nous séparons à l'entrée du bâtiment comme à notre habitude. Mes cours du matin m'ennuient au plus haut point, si bien que je mets à cogner des clous vers la fin du second. Sitôt la sonnerie enclenchée, je fuis la salle de classe, impatiente de voir cette journée s'achever.
Je déambule dans les couloirs, m'empressant de me faufiler dans la foule d'élèves affamés. Je dépose tranquillement mes affaires dans mon casier, puis vérifie la qualité de mon maquillage, peu pressée de rejoindre mes amies à la cafétéria. Je souhaite seulement échapper au monde, m'enfermer dans une bulle de sérénité où je pourrais souffler un peu, dormir pendant des jours et trouver le moyen d'emplir le gouffre où chute mon âme.
— Hey.
Je sursaute et me retourne vivement vers Tristan qui m'adresse un sourire désolé.
— Je t'ai fait peur ?
— Non, non, tu m'as juste... prise par surprise, bredouillé-je avec maladresse.
Je lui souris timidement à mon tour, le cœur battant.
— Ça faisait un bout de temps qu'on n'a pas eu l'occasion de se parler, déclare-t-il et j'opine à ses paroles.
J'ignore quoi lui raconter, alors je saisis ma boîte à lunch comme si de rien n'était, comme s'il ne venait pas de redonner vie à toutes les sensations que pouvait éprouver mon corps. Le jeune homme m'observe, puis, comme s'il décelait un malaise, ajoute :
— Est-ce que je te dérange ?
Je marque une hésitation, écartelée par l'envie irrésistible de lui parler et la peur de provoquer la colère d'Abigail. Je parcours les alentours du regard, mais parmi les témoins présents, aucun ne figure parmi mes copines ou ne nous prête une attention particulière d'ailleurs. Rassurée par cette constatation, je me laisse séduire par mon désir de poursuivre une conversation avec Tristan. Je réponds à ce dernier que non, il ne me dérange pas — le cas contraire serait impossible, mais je m'abstiens de le lui communiquer.
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Montre-moi ton vrai visage
Teen FictionAprès avoir subi de nombreuses moqueries l'année précédente, Jessica tente vainement de se reconstruire. Mais comment se trouver belle lorsque tous ont crié le contraire ? Comment supporter son propre reflet ? Surtout, comment tomber amoureuse lorsq...