Chapitre 2

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« Je rêve du silence, que toutes ces voix cruelles se taisent à jamais et que leurs moqueries perdent tout leur sens. » Jessica

Les paupières lourdes, je sirote mon café, attablée dans la salle à manger, aux côtés de mon frère. Ce dernier engloutit son bol de céréales, alors que je n'arrive pas à avaler une bouchée. Mon IPhone émet une sonnerie suite à un texto. L'écran lumineux affiche le nom d'Abigail. Je le referme sans le lire.

Mes yeux me brûlent, la douleur prend possession de ma tête. J'étouffe un bâillement, mon devoir de maths m'ayant tenu éveillé jusqu'à minuit, aidé par mes pensées alimentées par l'obscurité et la solitude de la nuit.

Une deuxième sonnerie. Je l'ignore et bois une gorgée. À la troisième, je me lève de table et débarrasse ma place, jetant les céréales que j'ai à peine touchées. Le regard désapprobateur de Jacob pèse sur mon dos, mais je me contente de savourer mon café.

- T'as presque pas mangé ce matin.

- J'ai jamais faim le matin et tu le sais.

- C'est mauvais pour toi !

- Ferme-la.

La fatigue rend mon humeur encore plus exécrable que d'habitude. Et Abigail me harcèle de textos... Je prends mon téléphone tandis que mon jumeau ne cesse de me dévisager. Mes mains tremblent contre l'appareil. Des coups de marteaux cognent contre mon crâne endolori. Je fixe l'écran, hésitante. L'envie d'ignorer Abigail trotte dans mon esprit. Mais je ne pourrai pas retarder cette conversation éternellement et la patience n'étant pas la plus grande qualité de mon amie...

Cela ne m'empêche pas de reposer mon IPhone avant de filer à la salle de bain pour terminer de me préparer. J'ignore mon reflet, cette image mesquine de moi-même qui me nargue et me rappelle cette identité dont je ne veux pas. Celle de cette fille faible, incapable de se défendre, craignant plus que tout de se retrouver à nouveau seule et vulnérable.

- Hey, j'ai préparé nos lunchs, lance Jacob, entrant en trombe dans la salle de bain.

J'acquiesce en me brossant les dents.

- Ah, et ta charmante amie continue de t'envoyer des messages, ajoute-t-il en appuyant avec ironie sur le « charmante amie ».

Mon frère désapprouve mon amitié avec Abigail et sa bande, les trouvant superficielles et prétentieuses. Il n'a jamais compris pourquoi je les fréquentais. Après tout, comment aurait-il pu ? Se faire des amis n'a jamais été une tâche compliquée pour lui. Il n'a jamais connu ce sentiment d'abandon, encore moins d'infériorité. Il n'a jamais eu à prouver à qui que ce soit qu'il avait de la valeur. À lui-même comme aux autres. Et si Abigail ne cherche pas à me convaincre que je possède une part de beauté, quelque part au fond de moi, elle accepte au moins ma laideur.

- Je la verrai tout à l'heure, elle peut bien attendre, rétorqué-je.

- D'habitude, tu lui réponds tout de suite. Vous vous êtes disputé ?

Je sors de la pièce sans répliquer. Jacob n'insiste pas, mais à son front plissé et au regard qu'il me jette lorsque nous enfilons nos manteaux pour partir, je devine son inquiétude.

Mais il n'a pas le pouvoir de me protéger ni de me guérir de mes blessures. Il n'a pas de pouvoir sur la réaction d'Abigail lorsque celle-ci me dira de ne plus approcher son frère. Encore moins sur ma décision de ne pas abandonner l'idée de fréquenter Tristan. Même si tout cela me fera souffrir inévitablement.

Montre-moi ton vrai visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant