Epilogue

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« A ce moment, Mick était complètement à fond dans son personnage, et la foule à ses pieds était en délire. Elle reprenait ses « I can’t get no » en choeur et de vive voix. C’était un concert des Stones, cela ne pouvait se dérouler autrement qu’avec la folie qu’on leur connaissait. Alors que le morceau se finissait dans une explosion d’effets pyrotechniques, Mick salua la foule et lança un « Bonne nuit Los Angeles ! », avant de disparaître dans un nuage de fumée. »

« Encore à écrire dans ce vulgaire carnet ? se moqua Keith, appuya contre le chambranle de la porte.

- Ce vulgaire carnet comme tu dis, je te rappelle que c’est toi qui me l’a offert lorsqu’on était à Dallas. Tu sais que là-dedans, j’ai consigné toute notre histoire ?

- Vraiment ? Tu penses qu’elle est si intéressante que ça ? ironisa-t-il.

- Penses-tu que je le sois ? fis-je sur le même ton.

- Mais vous l’êtes, mademoiselle Buchanan. »

Je souris, et rouvris le carnet là où je m’étais arrêtée d’écrire. Je ne pouvais m’empêcher de mordiller le bout de mon stylo à bille noir. Keith s’avança et finit par s’asseoir à côté de moi sur les marches de la véranda. Il lisait par dessus mon épaule, et il savait pertinemment que je détestais quand il faisait ça. J’avais envie de le pousser, mais quand il posa son menton sur mon épaule, je savais qu’il n’y avait plus rien à faire et qu’il était décidé à ne pas me laisser tranquille. 

« On a pas fait de soirée après ce concert, me corrigea-t-il.

- Bien sûr que si ! m’indignais-je.

- Non, on est tous rentrés et on a joué au poker toute la nuit.

- T’es sûr ?

- Parfaitement, c’est au concert d’après qu’on a fait une soirée, et que je me suis retrouvé complètement bourré parce qu’on a fait un « action, chiche ou vérité » avec Jimmy Page.

- C’était ce soir-là ? Je croyais que c’était après le concert à Seattle.

- Bon Charlie, tu crois pas qu’il serait d’aller mettre la superbe robe noire désespérément posée sur le lit depuis ce matin ?

- Laisse-moi finir ma phrase, suppliais-je.

- Va t’habiller, on va être en retard sinon, affirma Keith en me prenant le carnet des mains. Je doute que Mick apprécie de te voir débarquer à son anniversaire en sous-vêtements et avec la chemise de son guitariste sur les épaules pour seul vêtement. » 

Je n’avais pas perdu mes mauvaises habitudes. Je lui jetais un regard noir avant de me lever et de me décider à monter à l’étage pour enfiler la robe qui était effectivement toujours posée à sa place sur le grand lit de notre chambre. Elle était noire, extrêmement près du corps et m’arrivait au-dessus des genoux, et ses manches étaient longues. Elle était vraiment superbe. Je jetais la chemise sur le lit, et passais enfin ma tenue pour l’anniversaire de Mick, auquel nous étions attendus dans environ une heure. J’attrapais la paire de talons noirs au pied du lit, et les enfilait.

Le reflet que me renvoyait le miroir était tellement différent de celui que je voyais dans le grand miroir à pied de ma chambre du Bronx. J’avais des formes plus féminines, mes cheveux étaient de plus en plus longs - et de plus en plus ondulés. Je fis quelques pas pour me rapprocher et observer mon visage, le bruit inhabituel des talons aiguille sur le sol m’impressionnant quelque peu. C’était toujours moi, mais j’avais pris quelques années - trois, exactement. J’avais toujours les mêmes yeux pétillants, c’était indéniable, et Keith ne manquait pas de me le rappeler.

Après m’être maquillée et coiffée, je redescendis au rez-de-chaussée et allait le retrouver. Il était toujours assis sur les marches de la véranda, le carnet entre les mains. Je le regardais, sourire aux lèvres, l’explorer de page en page, au fil des photos que nous avions prises ou découpées dans la presse. Le guitariste s’arrêta à la première page, où j’avais écrit ces quelques mots : « Pour Leo, joyeux anniversaire ! 2 ans déjà que tu es né. Voici pour toi. Quand tu seras plus grand, tu pourras lire ce carnet. Et tu sauras comment papa et maman se sont rencontrés. »

« Je ne savais pas que tu avais fait ça pour son anniversaire.

- Je me suis dit que ça serait une bonne idée.

- Elle l’est, me rassura Keith en passant un bras autour de mes épaules. Je t’aime. » 

Il m’embrassa brièvement, et Marlon déboula dans le salon pour nous dire que nous allions être en retard. Oui désormais, la petite ado du Bronx était loin, et s’appelait Charlie Richards.

Tumbling DiceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant