Chapitre 6

140 13 0
                                    

It's so very lonely, you're a hundred light years from home.

Chapitre Six :

Je fais un bad trip à l’acide.

Un banc dans Central Park. Voilà ce sur quoi j’avais passé une bonne partie de la journée, à dormir et essayer de me rassurer. Un trip à l’acide, quand on est pas habitués, c’est mauvais. Vraiment mauvais. Du style à vouloir passer par une fenêtre ouverte, avec 3 étages en dessous. Si Keith m’avait pas attrapée encore une fois, je dégringolais de la fenêtre de sa chambre au Plaza. Comment je m’étais retrouvée à Central Park ? J’en savais rien, et j’en avais actuellement pas grand chose à foutre, étant donné que je lutais pour ne pas m’endormir.

J’avais l’impression que ma tête allait exploser dans une poignée de confettis d’un l’instant à l’autre. Devant mes yeux, les lignes se tortillaient encore, et les couleurs étaient différentes, si bien qu’on pouvait dire, pour de vrai, que j’avais vu des éléphants roses. Enfin. Je resserrais ma veste autour de moi, remis mon sac en place sous ma tête et respirais bruyamment. Un coup d’oeil à ma montre m’indiqua que l’avion des Rolling Stones venait de décoller. Pour aller où ? Quelque part dans les Etats-Unis, dans le Sud profond peut-être. Les deux jours qui venaient de passer étaient merveilleux. Dangereux, mais merveilleux.

Hier avait été la meilleure journée à mon sens. En y repensant, mes lèvres s’étirèrent en un sourire béat et je fermais les yeux un instant pour me rappeler de ces bons moments. Et tout revint. L’odeur du Jack Daniels dans la chambre. Fumer une clope sur le balcon en pleine nuit. Déambuler dans New York en étant sous acide. Le parfum de cigarette et d’alcool qui s’émanait de Keith. La fumée blanche et voluptueuse des joints qui se consumaient dans le cendrier. Et le bonheur de trouver un lit moelleux pour décuver. 

Cependant, à relativiser les choses, tout n’était pas non plus au top. Déjà, mon corps avait subi son quota annuel d’expériences loufoques en l’espace de 48 heures et je crois que ce salaud me renvoyait bien l’ascenseur sur ce point. Je serrais les mains autour de mon estomac pour m’empêcher de vomir tellement j’avais ingéré de substances toutes plus illicites et chimiques les unes que les autres. Qu’est-ce que je n’aurais pas fait pour prouver à Keith que du haut de mes vingt ans, j’étais pas une fillette. C’était quand même des belles conneries de ma part.

Je me tournais pour me retrouver à plat ventre sur le banc, le menton posé sur le sac. De ma poche, j’extirpais le briquet que le guitariste m’avait laissé en guise de souvenir. Celui que je devais lui rendre au Plaza le soir du concert. J’ouvris le couvercle et pressais mon pousse sur la pierre pour faire apparaître la flamme. Et je la fixais. Si j’avais pu, je crois que je l’aurais même touchée, sa fragilité me fascinait tellement. Je refermais soudainement le couvercle et éteignis la flamme, de peur de me cramer un cheveu ou je ne sais quoi d’autre.

Keith était parti il y a une heure en me laissant juste ce briquet et un baiser sur la joue. Enfin, pas que sur la joue. A vrai dire il y était pas allé de main morte cette fois. Et encore une fois, je m’étais laissée faire. Laissée charmer par un homme que je connaissais à peine et que je ne reverrais jamais. Mais qu’importe, on ne vit qu’une fois alors autant s’amuser. C’est ce que je me disais pour me convaincre. Je n’aurais pas insisté sur le fait que son avion partait dans une heure, je crois qu’il y aurait plus qu’un simple baiser. 

Toutes ces pensées se mélangeaient dans ma tête, alors que j’étais toujours en bad trip. Je me demandais comment mon cerveau pouvait encore si réactif. Peut-être parce que nous n’avions pris qu’un cube coupé en deux. Keith avait pris l’autre. Chacun sa merde. Il n’avait pas besoin de moi pour se shooter. Pour rien du tout d’ailleurs. L’espace d’un instant, je pensais à Anita, et à son fils. Ils les avaient laissés comme ça, sans rien dire. Je savais bien que c’était pour son groupe, son rêve américain un peu, mais quand même… Oh, en même temps, j’ai pas à me mêler de ça.

Tumbling DiceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant