"Donne-moi tous les titres." "Dis-moi ce qu'elle voulait." "Elle doit bien t'avoir dit quelque chose !" "ENFOIRÉ !"
Tous les jours depuis sa capture, Ankaa lui débitait à peu près le même discours, et tous les jours, Answald modifiait quelque peu les événements qu'il racontait. La jeune femme adoptait toujours le même ton froid et détaché, bien que consciente de son petit manège.
Il savait pourquoi : elle ne lui avait pas pardonné leur première rencontre et le baiser. Pourtant, il n'embrassait pas si mal que ça ! Lui en gardait une merveilleuse impression.
Alors, quand tous les jours, cela se finissait avec des insultes, Answald ignorait les jurons et se contentait de la regarder s'énerver sous les yeux ronds des soldats qui ignoraient que le vocabulaire de leur chef était aussi fleuri. Elle était belle, en colère. Ses traits se faisaient plus marqués, plus sauvages. Quand il le lui faisait remarquer, immanquablement, une porte claquait et une partie de la villa était détruite sous le ressentiment de la femme.
Le délai imposé par le compte à rebours était depuis longtemps dépassé : la montre avait explosé dans une jolie pluie de poussières incandescentes une poignée de secondes après qu'il ait convaincu sa geôlière de la lui retirer. Il lui avait volé un tout petit bisou de rien du tout à cette occasion. Cela avait d'ailleurs donné lieu à une bonne engueulade juste derrière.
En y repensant, un sourire satisfait étira ses lèvres écorchées. Ankaa s'était joliment empourprée. Un rouge bien pétant, visible à des kilomètres à la ronde malgré sa peau couleur de nuit.
Il avait aussi tenté plusieurs fois de s'enfuir, ou de vraiment la pousser à bout, mais jamais de résultat concluant - si l'on excluait les coups encaissés. Elle frappait fort, la demoiselle.
Et, plus le temps passait, plus il était effaré par le nombre croissant de bruits d'assiettes, de fenêtres, de portes et d'étagères brisées par le commandant. C'était un miracle s'il restait un seul objet intact dans le bâtiment - voir même que ledit bâtiment ne s'effondre pas. De toute façon, si la maîtresse de maison paraissait adorer écrabouiller la porcelaine, au moins ne lui tapait-elle pas dessus. Enfin, pas plus que de raison.
Oui, il avait commencé à être prudent. Parfois, il réfléchissait même et se demandait sérieusement s'il ne valait pas mieux lui dire la simple et entière vérité. Le visage fin de sa patronne surgit dans son esprit tandis qu'il hésitait une énième fois. Hum. Continuer à parler pour ne rien dire, c'était bien, au final. Il ne céderait pas, même pour les beaux yeux d'Ankaa.
Et puis... dans le cas contraire, il s'imaginait trop bien Soledad le torturer jusqu'à sa mort, ensuite. Une bonne motivation pour se taire.
De toute façon, il s'était fourré dans un sale pétrin... carrément. Alors, autant prendre le bon côté des choses : il avait le plaisir de fréquenter quotidiennement l'une des plus belles femmes de Llandy - en toute objectivité. Actuellement, ils n'étaient pas exactement en très bons termes, certes. Mais cela finirait par se tasser.
Aucune chance qu'elle résiste indéfiniment à son charme ravageur.
- Je vais l'égorger. Je vais vraiment l'égorger, menaça la concernée en débarquant.
Quand on parle du loup. Elle voulait le tuer lui, ou ce coup-là c'était quelqu'un d'autre ? Un peu de changement n'était pas de refus.
- Commandant, calmez-vous...
- Mauvaise journée, Ankaa ? demanda le Passe-Murailles d'un ton sarcastique en ignorant le soldat désemparé qui suivait la jeune femme comme un toutou.
Le soleil s'était couché. C'était seulement la première fois de la journée qu'elle rendait visite au voleur, comme cela lui arrivait de temps à autre. Quand elle avait trop de travail pour perdre son temps, en fait. C'était les pires jours, ceux-là, parce qu'elle était encore plus agressive et impatiente. Rejet de l'exaspération sur les autres, un classique. Quelle mauvaise idée de passer le voir après.
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Nouvelles des Demies-Terres
KurzgeschichtenTerres de légendes, de mythes et de créatures oubliées. Terres de secrets, de complots, d'intrigues. Terres de violence comme de douceur, de joie comme de malheur. Terres vastes, sauvages ou inexplorées. Terres parsemées de cités, berceau de civilis...