Elysea

III. Quel étrange liquide

Naelle venait d'utiliser le changement d'espace pour se déplacer de pièce. Elle n'avait pas quitté le luxueux appartement, mais s'était réfugiée sur le balcon avec l'idée que l'air frais de Paradium ferait du bien au jeune homme qui venait, il y a quelque instant, de perdre connaissance. La tour de verre, dont faisait parti son appartement, était une des plus hautes d'Éden, la capitale de Paradium, même si elle ne rivalisait aucunement ni en hauteur, ni en beauté, avec celle du Deus, que l'on pouvait apercevoir au loin. A vrai dire, l'édifice en question était tellement gigantesque, qu'aucun bâtiment n'arrivait à en cacher ne serait-ce qu'une infime partie.

L'immense femme avait installé Sam sur un siège en lévitation au dessus du sol. Automatiquement, l'intelligence artificielle du mobilier avait détectée la présence du garçon et le siège s'était mis à se balancer très légèrement, aussi régulièrement qu'un métronome, garantissant ainsi une relaxation optimale. Naelle, quant à elle, s'était assise sur une vaste banquette recouverte de nombreuses pièces de tissu aux motifs géométriques envoutants qui s'apparentait vraisemblablement à une matière proche de la soie. Elle avait préparé sur la table translucide devant elle un verre contenant une solution d'un bleu vif, quasiment fluorescent.

C'est alors que le jeune homme reprit, pour la deuxième fois de la soirée, connaissance. Sam ouvrit les yeux, mais ne parut pas aussi surpris que la première fois de voir l'immense femme se tenir devant lui. Un léger rictus de son visage trahit tout de même le fait qu'il aurait préféré que tout cela ne soit qu'un mauvais rêve.

Voyant que le garçon tentait de se remettre sur pied, Naelle l'arrêta instantanément afin d'éviter un second malaise  :

- Non mon garçon, si j'étais toi je resterais assis encore quelques instants. Je t'ai préparé ceci, dit-elle en montrant la solution fluorescente. Ça devrait te remettre sur pied.

Elle lui tendit le verre tout en déployant le haut de son corps vers lui pour qu'il puisse saisir l'objet.

- Qu'est-ce que c'est, demande-t-il en fronçant les sourcils en direction de l'étrange liquide bleuté.

Naelle n'avait pas eu le temps de répondre, que le garçon avait déjà avalé d'une traite l'entièreté du contenu de son verre.

- Aucun goût. Est-ce que tout est aussi insipide chez vous, reprit le garçon avec un ton de défi, dans le but de piquer au vif son interlocutrice.

Mais son élan d'animosité fut couper nette une fraction de seconde plus tard. Une sensation indescriptible, fulgurante venait de lui traverser tout le corps, de ses orteils, jusqu'à son cuir chevelu, hérissant au passage la totalité des poils de son corps, lui procurant une sensation de toute puissance qu'il n'avait jusque là jamais connu. Une impression d'invincibilité qui terrifia même le garçon qui resta alors pétrifié quelques secondes. Les yeux grands ouverts, il fixait Naelle comme pour lui demander une réponse sur l'origine de l'expérience qu'il était en train de vivre. Puis la sensation s'atténua progressivement en lui, laissant place à une sensation plus ténu, de bien-être. Le corps du garçon, qui s'était contracté sous l'effet de la première et surpuissante sensation, se détendit alors lentement, se laissant envelopper délicatement par ce nouvel effet si agréable, acceptant ainsi cette vague d'énergie nouvelle que lui apportait le mystérieux liquide.  

- Agréable, n'est-ce pas, dit Naelle en souriant.

- Quelle sensation étrange. Je me suis incroyablement en forme, c'est fantastique! 

D'un bond, le garçon quitta son siège pour se remettre sur pied, et sautilla comme pour évacuer ce trop plein d'énergie qu'il venait d'accumuler. Il s'approcha alors de la fine paroi de verre qui faisait office de rempart entre le vide d'Éden et lui même. Tout en mettant ses mains sur le garde fou, il observa la magnifique vue  que lui proposait la gigantesque capitale.

- Je n'ai pas pu le dire tout à l'heure, mais c'est vraiment magnifique ici, avoua soudainement Sam qui paraissait commencer à accepter la réalité de ce qu'il était en train de vire.  

- C'est le fruit de plusieurs millions d'années de travail et d'évolution mon garçon. Mais il est vrai que nous sommes tout de même extrêmement chanceux de vivre ici, d'autres n'ont pas cette chance.

- D'autres? Qu'est ce que vous entendez par là? Les terriens comme moi, c'est ça?

- En partie, mais pas que, répondit la femme qui sentait approcher le raz-de-marré légitime de questions qu'allait lui poser Sam. À quelques galaxies d'ici, certains systèmes solaires sont rongés par la pauvreté. D'autres planètes s'en sortent un peu mieux, comme nous. Et puis d'autres croulent tellement sur l'or, que leur planète pourrait bien s'effondrer sous le poids de leur richesse, termina Naelle sur le ton de l'humour.

- C'est étrange de vous entendre dire ça. Chez moi, le fait que nous ne soyons pas seul dans l'univers n'était qu'une supposition. Aujourd'hui, je me retrouve ici, sur une planète qui n'est pas la Terre, sans même savoir ni pourquoi ni comment je me suis retrouvé là...

Le garçon fit une brève pause dans son discours, comme s'il hésitait à dire ce qui allait suivre : 

- Et personne n'aurait imaginé que les extraterrestres puissent autant ressembler aux humains, dit-il finalement en balayant plusieurs fois du regard le corps de l'immense femme pour déceler une caractéristique qui pourrait notoirement les différencier malgré leurs similitudes corporelles incontestables.

Naelle sentit alors que c'était le bon moment pour poursuivre les explications qu'elle avait commencé à donner à Sam avant qu'il ne perde connaissance. Tout en se redressant, elle reprit là où elle s'était arrêtée.