-Chapitre Trois-

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Au plein cœur de la ville, non loin des quartiers huppés, là ou se situent les grandes tours de bureaucrates, le quartier des affaires, vivant le jour, dormant la nuit, sauf pour les quelques acharnés du travail, se trouve une immense tour de verre, la plus grande de toutes, une tour qui, sans battre des records, reste pourtant vertigineuse. C'est dans cette tour qu'Alexis et quelques uns de ses plus proches collaborateurs vivaient. C'est dans cette tour que depuis plus de seize ans, personne n'avait mis les pieds dans le tout dernier étage, celui ou seul Alexis allait s'isoler de temps à autres, celui qui soulevait des questions qui souvent se résolvaient par la mort du curieux. Un étage maudit pour certains, inconnu pour d'autres. Dans le milieu, on avait fini par abolir la mention même de cet étage aux multiples mystères.

Perdue dans cette grande ville, enfermée dans un cocon de verre dont elle n'était jamais sortie, une jeune fille dont les longs cheveux blonds touchaient le sol, et ce malgré le fait que ces derniers étaient rattachés en une tresse interminable, parce qu'il faut bien se le dire, les cheveux dans les yeux ce n'est pas vraiment agréable, alors imaginez si ceux ci font quelques deux metres de long, une jeune fille dont le pinceau n'était qu'une extension de son bras, terminait son œuvre. Une toile de soixante-dix centimètres sur cent qu'elle avait entièrement recouverte de sa vision du monde, telle qu'elle l'avait découverte dans ses livres et sur le peu de sites internet auxquels elle avait accès. Pour elle, tout était merveilleux. Le monde extérieur ne pouvait que l'être, pourquoi ne pouvait elle donc sortir d'ici ? Elle évita d'y penser. Après tout, elle avait tout ce qu'elle voulait ici... Presque tout.

Dans les livres qu'elle lisait depuis qu'elle était enfant, les personnages principaux n'étaient jamais totalement seuls, en tout cas pas autant qu'elle ne l'était. Lorsqu'elle avait soulevé ce point un jour auprès de son père, ce dernier lui avait offert un chat. Pas n'importe lequel, un chat des sables. Cette petite boule de poils, bien qu'ayant maintenant presque six ans, a toujours l'apparence d'un chaton. Sa jolie couleur dorée fait qu'il se perd aisément dans les cheveux de la demoiselle. Yggdra, de son prénom, était actuellement en train de jouer avec sa tresse lorsque l'on toqua à la porte.

-Entre Papa ! Cria la petite peintre.

Et c'est une blondinette couverte de peinture qu'Alexis vit sortir de derrière les chevalets. Il embrassa sa fille sur le haut du crâne avant de lui demander :

-Alors Judith, as tu finis cette toile ?

-Bonjour Judith, tu vas bien, oui ça va papa, merci de demander. Répondit Judith d'un air hautin avant d'ajouter face au regard noir de son père, il est là, il ne reste plus qu'à le signer.

-Merci ma chérie.

Il avait dit ça d'un ton mièvre, ce ton qui faisait froid dans le dos de Judith, encore plus lorsqu'il s'approchait d'elle pour lui embrasser le dessus du crâne. Elle avait beau faire la fière, la courageuse, cet homme la terrifiait. C'est pourquoi elle ne lui demandait plus si elle pouvait sortir de cette tour de verre qui lui servait de toit, plus depuis qu'il lui avait accidentellement cassé le bras en la balançant à travers la pièce parce qu'elle avait une fois de trop posé la question.

Alexis pris la toile et fit mine de sortir de la pièce, mais avant il se retourna d'un coup, et de son regard perçant, il détailla celle qu'il appelait sa fille du regard avant de lui dire :

-Je pars pour une semaine, peut-être deux. Tu as assez en nourriture pour tenir jusque là, sinon tu te fait livrer par le monte charge. Tu fais bien ton travail, et tu ne vas pas sur internet plus de deux heures par jour, sinon je le saurai. Bonne journée à toi et à... ta chose.

Et sans attendre de quelconque réponse de Judith, il passa la porte, laissant la jeune fille tout aussi seule qu'a l'accoutumée.

A peine eut il passé la porte que les épaules de la jeune fille se relâchèrent. Il se trouve qu'elle n'avait pas encore utilisé ses deux heures quotidiennes, et que ses ''devoirs'' comme il les appelait, n'étaient que de peindre des toiles encore et encore... soit, ce qu'elle faisait déjà à longueur de temps. Elle se posa donc devant l'ordinateur, son tout premier, celui qu'elle avait eu pour ses seize ans, celui que son père avait bridé de façon excessive, spécialement pour elle, ne lui laissant un accès que très restreint au merveilleux monde d'internet. Pour tout vous dire elle ne pouvait que passer des commandes de nourritures, vêtement, toiles et autres accessoires utiles à son travail, accéder à un moteur de recherche d'images du monde, filtrées elles aussi, et à quelques jeux flash en nombre très réduit. Mais tout ce qu'elle manquait, elle ne le savait pas, pour elle tout ça était normal.

Et c'est donc avec entrain que la jeune fille se lança dans une partie de Bloons Tower Defense,une partie qui allait sans doutes durer deux heures.

Raiponce, Ou La Jeune Fille Du Haut De La TourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant