Chapitre 1: L'été indien

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« Car il y a des rencontres qui vous sauvent. Elles vous saisissent au corps, elles vous soulèvent du sol où vous êtes englué, elles vous font passer de la nuit à la lumière » Laurence Tardieu



New York au mois d'octobre.

Vous l'avez déjà vécu ?

C'est le moment où tout se pare de doré. Les rues, les maisons, les paysages. Central Park et ses arbres virent au rouge ocre. Leurs feuilles prennent de jolies couleurs chatoyantes. Paraît que c'est romantique. D'ailleurs je crois que c'est la période où l'ont voit le plus, les amoureux du dimanche, flâner le long de l'Hudson.

Et puis tout le monde attend Thanksgiving avec impatience.

Même chez moi.

Les gosses sont plus excités que jamais à l'approche des fêtes de fin d'année.

A la maison nous sommes huit. Enfin si on peut appeler ça une maison. Cette vieille bicoque sur deux étages, qui tombe en ruine, dans le quartier de Kensington à Brooklyn. Ouais, je bosse mais je ne vis pas à Manhattan comme la plus part de mes collègues.

L'été indien à Brooklyn n'est pas aussi « romantique » qu'à Manhattan. Mais je ne suis pas pressé que les fêtes de fin d'année arrivent contrairement aux autres alors ça me va très bien tout ce brun et toutes ces feuilles qui tombent autours de nous.

Comme d'habitude je marche le long de Columbia Avenue avec cette flemme et cette lenteur qui me caractérise quand je sors du boulot. Nouveau mois, nouveau boulot. Serveur au Starbucks café. Quelle ambition.

Mais je n'ai plus vraiment le choix. C'était ça ou récurer le sol et les chiottes des bureaux de Manhattan. Et je ne suis pas fait pour les services publics.

Puis servir des cafés me va très bien. Ça me permet d'observer les gens à leurs insu et quoi de mieux pour dessiner mes portraits que de les observer quand ils sont naturels et ne jouent pas à prendre la pose.

En plus travailler dans Manhattan est plus agréable que de devoir bosser dans les rues crasseuses des bas quartiers de Brooklyn.

C'est lorsque je suis assis sur le muret qui borde un des bâtiments de Columbus Av. que je l'aperçois. Cette fille. C'est la troisième fois cette semaine que je la vois.

Elle est avec des amis et elle rit.

J'allume ma cigarette et jette un œil à ma montre. Il est dix huit heures. Comme tous les soirs je traine avant de prendre le métro pour rentrer.

Je sais que dans cinq minutes elle va traverser la route avec ses amis, s'installer à une des tables en fer forgé qui ornent la petite place et s'asseoir sous un des grands parasols avant de commander un thé glacé sans sucre. Elle va ensuite sortir son grand cahier noir et parler de je ne sais quoi avec eux. Une petite blonde plutôt jolie, et deux gars, assez grands, dégingandés et avec un rien de trop dans l'attitude pour être hétéro. Ils portent tous des sacs en bandoulière et des sweats à capuche. La Juilliard School située au Lincoln Center de l'autre côté de la route d'où ils sortent tout les soirs, doit accueillir dans les huit cent étudiants du même genre. Eux n'ont jamais d'instrument de musique, donc ils doivent être en section art dramatique ou danse. Au vu de leurs sacs bowling ou de sport, je dirais danse. Mais laquelle pratique-t-elle ? Quel type de danse ? Classique ? Moderne jazz ? Contemporaine ?

Je n'en ai aucune idée.

J'observe la façon dont elle rit avec eux. Une vraie gamine. Avec son amie, elles se moquent de l'un des gars, le plus maigre des deux. L'une se lève et lui tire sur ses oreilles d'éléphant en faisant une grimace tandis que l'autre a sorti son téléphone pour le photographier. Ils rient et elle se penche pour l'embrasser sur la joue alors qu'il se détourne vivement, vexé.

Everglow (seulement 10 premiers chapitres)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant