Chapitre 5 : Nos peurs enfouies

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« La peau à l'intérieur de mon cerveau est constellée de bleus qui ne s'effacent jamais. Je suis un homme-grenier. Je garde tout. »

Mathias Malzieu



L'appartement de Lise est bien plus petit que je ne pensais. Et bien plus simple que le superbe hôtel particulier que possèdent ses parents. En témoigne le mur du salon décoré de toutes sortes de dessous-de-verres, à l'effigie d'une multitude de marques de bière, d'apéritifs et de spiritueux, les plaques en cuivres représentant des pin-up des année 50 qui ornent la cuisine ou la collection colorée de vibromasseurs très bien alignés sur l'étagère ouverte qui surplombe les toilettes. J'ai cru que j'allais pisser de travers. En sortant de là, ma tête devait être assez équivoque car Lise a ri doucement en expliquant qu'il s'agissait de la très célèbre collection privée de sa colocataire Lola. Coloc qui à l'occasion, s'est absentée pour la journée.

-C'est exactement le genre d'appart que je voudrais avoir si je pouvais me le payer, soufflé-je en me laissant tomber sur le canapé club face à l'écran télé plus que correct en taille, de son salon et à l'énorme bol de pop-corn salé qui traine sur la table basse en bois.

-Nonobstant les jouets qui décorent certaines étagères, rit Lise en prenant deux bières dans la porte de son frigo.

La cuisine entièrement ouverte comme dans un loft me permet de voir le moindre de ses gestes.

Je retire ma veste et me pose sur un bout de canapé en croisant mes doigts sans trop savoir quoi faire. J'espère qu'elle ne s'attend pas à ce que je l'invite chez moi pour lui rendre la monnaie. Je préfèrerais payer une chambre d'hôtel que d'en arriver là.

-Pourquoi tu utilises des grands mots exprès, je grogne de mauvais poil.

C'est vrai ça. Depuis que j'ai eu le malheur de lui dire que mon ami Beenie trouve que je parle mal, Lise s'est mise à employer un tas de grands mots, dont j'ignorais jusqu'à l'existence pour la plus part.

Elle sourit malicieusement et se rapproche en roulant des hanches. Pourtant elle ne porte rien de très sexy. Un jogging rose pâle, un débardeur noir et un bandeau de la même couleur que son pantalon dans les cheveux. On ne peut pas dire qu'elle soit comme Page, maquillée et apprêtée même à sept heures du matin quand moi j'étais encore dans le coltard.

-Nonobstant veux dire « en dépit de » ou « malgré que ».

-M'en fou, madame le dictionnaire. Arrête de faire la Waldorf ou je serais contraint de te faire taire.

-De quelle manière, susurre-t-elle en se laissant tomber à côté de moi, une bière dans une main, et me tendant l'autre.

La peau de son bras chatouille le mien, quand elle se penche pour prendre la télécommande et mettre en route le lecteur dvd, laissant une traîné brûlante sur son passage. Je ne bronche pas, même si l'envie de l'attirer à moi pour m'emparer de ses lèvres et évidemment très présente. Ce petit jeu du chat et de la souris auquel elle semble prendre plaisir à jouer depuis une semaine, me plaît aussi. C'est à qui craquera le premier. Ce qu'elle ne sait pas c'est que même si c'est moi qui cède avant, je suis toujours gagnant. Car elle ne me résistera pas, c'est certain.

Nous sommes en plein après-midi et il fait jour dehors. Lise a baissé les stores pour créer une fausse obscurité. Elle plonge la main dans le bol de pop-corn tandis que je m'affale un peu en buvant une longue gorgée de bière. En gentleman que je suis et dans ces circonstances, je l'ai laissé choisir le film évidemment. Elle a opté pour Sept Vies de Gabriele Muccino. Je ne comprendrais jamais pourquoi les filles optent toujours pour du sentimental. Est-ce qu'il existe une seul femme sur terre capable de choisir un film d'action lors d'un rencard ?

Everglow (seulement 10 premiers chapitres)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant