En route depuis maintenant deux heures, notre heureux bougre conduisait de façon plutôt bancale un monospace peint comme un pull de Noël, une folie voulue par la chef comptable comme cadeau de Noël. Personne ne remit en doute la décision et le fait qu'elle était la fille de père et de la mère Noël avait enterrer ne serait qu'une simple idée de désapprobation. Le GPS beuglait quelque chose, mais Fred n'avait jamais compris ne serait-ce qu'une once de finlandais. C'était ballot, mais heureusement pour lui, le GPS affichait des flèches. Enfin plus précisément une seule et unique flèche : droit devant à toute vitesse. Si Fred avait été un peu plus gâté par la nature au niveau neuronal, il aurait pu trouver la situation incongrue et même périlleuse, mais ce ne fut absolument pas le cas. Soudain une secousse se fit sentir. D'abord faiblarde elle monta crescendo brisant glaces et pierres. Un vacarme qui alerta Fred qui tenta alors de faire demi-tour tant bien que mal. Hélas pour lui son véhicule s'enfonçait déjà de plus en plus dans le sol puis il chuta dans les profondeurs de la terre, avec lui à l'intérieur. Dans le même temps, on eut entendu un rire moqueur familier à travers un courant d'air.
La pauvre carcasse du véhicule s'écrasa dans toute sa splendeur sur le marbre du palais des enfers. On pourrait s'attendre à de la roche et de la lave partout, mais les enfers étaient plus propres que cela dans la partie où était atterri Fred. Il était entré par le toit, provoquant par le même effet un trou noir béant dans le plafond, dans un somptueux palais. Marbre, or, argent et airain. Ici on n'était pas chez n'importe qui à coup sûr. Fred entendit des bruits de pas lourds se rapprochez de lui, par instinct plus que par intelligence il se réfugia derrière une lourde colonne de pierre antique dans le plus pur style grec. Deux démons arrivèrent, tous deux hideux. L'un avait la forme d'un dragon de taille humain et était vers dans un costume pourpre cramoisi. Il portait un tromblon usagé à la ceinture et semblait fort peu adepte des méthodes civilisées pour se comporter en société : il était en train de dévorer ce qui ressemblait bien à un bras de jeune femme. L'autre monstre était plus trapu, obèse et surtout composé de vives flammes rouges sauf au niveau des parties génitales où un feu pourpre brulait. Il se déplaisait avec un katana incandescent, surement proche de l'état de fer fondu.
–Qu'est-ce que c'est que cela encore George ? Encore une autre de tes dégueulasseries que tu nommes art moderne ?
–Non Mireille je te jure que cette fois-ci je n'y suis pour rien. Cette chose est tombée du plafond dans un vacarme monstre sans que j'y sois mêlé.
–Du plafond ? Tu veux dire que tu penses que ce truc vient de la surface ?
–C'est en effet bien mon hypothèse.
–Alors là on dépasse les bornes établies et tolérées. Même en tant que démon du chaos cela me révolte. Ces pourritures ont saccagé leur monde et viennent maintenant polluer le nôtre. Oh ça ne va pas se passer comme cela soit-en sûr ! Si je retrouve l'abruti qui a osé me déposer cette merde ici il va avoir mal, mais alors très mal. Très très mal.
–C'est bon on a compris je pense. Attends un peu, je sens une odeur non démoniaque qui est proche de nous.
–Hein ? Tu veux dire un homme ou un ange ?
–Non. Je n'arrive pas à trouver que ce qu'elle est, mais elle n'est ni humaine, ni angélique, ni même démoniaque.
–Oh bah merde alors. Il va falloir appeler la garnison dans ce cas ! J'y file, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas fait une traque suivit une d'exécution publique, et à vrai dire cela me manquait.
–Non. Réfléchis un peu de temps en temps gros tas de muscles. Elle. Elle est encore à la surface et c'est déjà le bazar en son absence. On n'a pas besoin d'un scandale de plus ou l'on risque de perdre nos places. Non, nous allons plutôt traquer dans la discrétion la plus absolue possible cette drôle d'odeur.
–Et si je la trouve, je pourrai la dévorer ?
–Oui, autant ne pas laisser de traces pour éviter tout problème ultérieur.
–J'entends un bruit ! Là ! Derrière la colonne !
Fred courrait déjà depuis cinq minutes comme un dératé. Non hors de question de se faire dévorer par ces disgracieux démons. Rectification, il n'a surtout pas envie de mourir en enfer. Cela ferait une mauvaise publicité du pôle Nord et il serait sûr que la mère Noël le torturerait âprement même dans sa mort. Non il n'avait pas envie de finir trouer à la canne à sucre. Il se trouva une cachette dans une étroite et peu éclairée alcôve où il se réfugia et piqua un petit somme.
À son réveil il se retrouva alors nez à nez avec une succube qui avait déjà commencé à lui dévorer son chapeau de lutin. Pourquoi ? Personne ne le savait, mais on pouvait deviner dans le regard de poissons mort de la succube qu'elle n'était pas l'une des pointures stratégiques infernales. Oh non.
–Oh mon chou que fait un petit homme chétif comme toi dans le royaume de la luxure et de la dépravation ?
–Je viens sauver Noël et implorer l'aide des enfers.
–Rien que cela ? Je ne sais pas ce que tu as fumé, mais ça devait en être de la bonne.
–Je vous assure ! C'est la mère Noël qui m'envoie !
Et au moment où elle entendit le nom de la mère Noël, la succube devint livide. Passer du pourpre rouge au blanc en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire ne vous laisse pas indifférent. La succube semblait mortifiée et tremblait tel un pommier qu'un enfant terrible aurait secoué pour récupérer quelques pommes.
–Très..très... bien mon grand, va voir par là-bas. Marche pendant deux bonnes heures, passe à travers le marais. Tu arriveras face à une vieille cabane. Là, toque trois fois et tu trouveras quelqu'un capable de t'aider. Mais je dois filer, j'ai beaucoup à faire... Et je ne voudrais pas m'attirer des ennuis.
Et la succube disparue dans un nuage de poussière mauve, ne laissant derrière elle qu'une affligeante odeur de parfum bien mal dosé. Fred savait maintenant quoi faire. Écouter les conseils d'une succube n'était surement ni prudent ni une bonne idée en temps normal, mais Fred n'avait de toute façon rien à tenter d'autres et qui ne tente rien n'a rien ne se répétait-il à tue-tête dans ses méninges. Et ce fut ainsi que notre joyeux luron quitta le palais démesuré pour s'aventurer dans les marais.
Contrairement à ses craintes premières, elle ne lui avait pas menti et en continuant tout droit il trouva une porte massive qui une fois poussée donnait sur un marais fétide. Un si beau palais en un endroit si saugrenu. Décidément les enfers étaient un bien curieux lieu. Le marécage était composé d'une eau croupie caca d'oie et de milliers de petits ilots épars. Sur chacun poussaient des chétifs arbres sinueux qui semblaient tirés d'un conte des frères Grimm. Quand on vous dire qu'on dirait que l'architecte général semble avoir construit les enfers selon les contes, ou que ce soit l'inverse.
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Dusty Christmas
Short StoryUn petit vent froid sur ce livre poussiéreux. Un petit coup de chaud sur vos cœurs généreux. Une idée originale des Dust Heirs proposée par @larmesmauves , @MayHaverhill , @LucyNepherite et @tommyleroux couverture par @larmesmauves