Où le Bretteur trouve de nouvelles bottes.

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Une trentaine d'hommes masqués déferla dans la salle et trente épées jaillirent de leur fourreau dans un formidable bruissement de métal. Le plus rapide atteignit Honnèt en deux bonds et l'assomma du revers du poing. Lancyr et Trévoï se regroupèrent au centre de la salle et se postèrent dos à dos, mais ils n'étaient munis que d'épée d'entrainement à la lame émoussée. Auroch et le second les rejoignirent en haletant, mais eux aussi étaient désarmés. Il ne restait que le Bretteur face à une trentaine d'hommes déterminés.

__ Halte-là messieurs ! tonna le Bretteur.

Les hommes s'arrêtèrent à quelques mètres du Bretteur à la stupéfaction du quatuor désarmé. L'un deux s'avança d'un pas et écarta les bras.

__ Nous n'en avons pas après vous jeune homme, laissez-nous emporter cet individu, il désignait Lancyr, et il ne vous sera fait aucun mal.

__ Hélas, je ne puis, regretta le Bretteur, et j'en suis fort marri. C'est que voyez-vous, cet homme me donnait une leçon d'escrime, il vient de m'apprendre le roseau contre le vent, une botte redoutable.

Le tueur, qui ne semblait pas pressé d'engager le combat, sûr de son issue, s'esclaffa :

__, Mais c'est la base de l'escrime, la première botte que l'on apprend. Vous n'êtes pas de taille à nous résister, monsieur, retirez-vous de grâce.

Honnèt reprenait conscience peu à peu. Il resta au sol et se concentra pour lancer un bouclier magique sur le petit groupe, mais rien ne se produisit. Impossible de me concentrer, j'ai trop mal à la tête.

__ Holà, messieurs les bravi, même en cet instant si proche d'une fin douloureuse, je ne peux que m'opposer farouchement à vos propos. Je ne connais pas de bottes, il est vrai, là d'où je viens voyez-vous, la botte ultime est d'esquiver la lame de l'adversaire. Vous conviendrez sans peine du bien-fondé de cette notion. L'honnêteté m'oblige cependant à vous mettre en garde et laisser ma modestie naturelle de côté pour vous signaler que vous vous adressez au meilleur épéiste de ce royaume. Il marqua une pause. Je vous conseille donc de vous retirer et vous assure que je tairai cette sage retraite, votre honneur n'en souffrant pas trop dans votre cercle de spadassins.

Oh par les vents ! il veut les tuer avec sa langue. Honnèt s'assit lentement, encore étourdi, puis s'immobilisa sagement lorsqu'une lame se posa sur son épaule. Il leva les mains en signe de reddition et attendit la suite.

Les bandits se regardèrent stupéfaits puis éclatèrent de rire. Le Bretteur haussa les épaules.

__ Soit, convint-il, vous aurez votre combat, souffrez cependant que je m'habille et ceigne une épée digne de ce nom. Mourir, oui ! Mais dans l'honneur !

Il se dirigea lentement vers le tas de vêtements et s'habilla sous l'œil effaré des assassins. Il est vrai que la tenue rouge du Bretteur, rehaussée d'une multitude de lames en tout genre donnait un spectacle étonnant. Il se tourna enfin vers l'assemblée et salua tout en dégainant sa lame noire.

__ Messieurs en garde !

Les bandits se déployèrent lentement et l'encerclèrent peu à peu. Le Bretteur ficha son épée dans le parquet et des couteaux de lancer apparurent dans ses mains. Deux bandits s'écroulèrent une lame plantée dans la gorge tandis que deux autres portaient déjà la main à la jugulaire. Il s'élança dans la brèche et laissa deux dagues dans des corps agonisants. Effarés par la brutalité de l'assaut, les truands reculèrent et se regroupèrent tandis que le Bretteur avançait lentement et récupérait son épée toujours plantée dans le sol.

Et chose incroyable, inimaginable, il chargea le groupe à lui seul. Il récupéra l'épée du premier adversaire tombé et devint un tourbillon d'acier, un déluge tranchant qui fauchait la troupe d'assassins et l'obligeait à reculer. À seul contre vingt, il les acculait, les poursuivait, chaque coup faisant mouche, pas de feinte, pas de botte secrète, juste la pureté du geste et une vitesse ahurissante. Il les raillait en assénant des coups fulgurants :

__ La botte du tueur face à la mort !

__ La botte des trente et du Bretteur !

__ La botte de la rapière foudroyante !

Les pauvres ne se battaient que mollement, plus préoccupés d'organiser une retraite vers la porte que d'occire ce combattant déchainé. Il les contourna, bloquant la seule issue puis les toisa.

__ Messieurs, avant que la mort ne vous emporte, souffrez que je me présente, je suis le Bretteur, grand pourfendeur des créatures des Hauts Confins...

Un hurlement l'interrompit. Quatre assassins s'effondrèrent, frappés de plein fouet par un mannequin d'entrainement affublé d'une cotte de mailles qu'Auroch tenait à bout de bras. Il était plus lourd qu'un homme et pourtant le jeune paysan le faisait tournoyer comme un fléau d'armes, fauchant, écrasant, fracassant, tel un colosse de légende. Un dernier craquement sinistre et le combat était terminé.

Le Bretteur toisa Auroch d'un regard farouche.

__ Quoi ?

Le Bretteur soupira :

__ Je n'avais pas fini ma présentation.

  C'est alors qu'Honnèt  s'évanouit en grommelant.


Le Bretteur et la créature du marais.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant