La colère du mage

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Il n'y a pas que des créatures qui vivent dans les montagnes des Hauts Confins. Sur un des pics les plus élevés se dresse une immense tour, surplombant un paysage calciné. Tout n'est que cendre aux alentours, les rares créatures qui s'y risquent soulèvent des nuages de cendre à chacun de leur pas et le craquement des os qu'ils foulent à leurs pieds les convainc en général de faire demi-tour. Les plus audacieuses d'entre elles finiront prises dans un des innombrables pièges et nourriront les serviteurs du magicien qu'abrite la tour.

Des cris de fureurs ébranlaient les murs noirs de la plus haute salle de la tour. Un crâne énorme se détacha et se fracassa sur le sol, projetant des éclats d'os. La masse de serviteurs se dispersa en piaillant. C'était des créatures étranges dont le faciès tenait du rat, mais qui se dressaient pourtant sur leurs deux pattes. Leur taille avoisinait celle d'un grand chien et leurs pattes avant, dépourvues de griffes servaient de main, à la dextérité sommaire. Tous les museaux effilés étaient tournés dans la même direction, les moustaches frémissantes d'effroi.

Un fauteuil surélevé d'une volée de marches et entouré de piles d'ossements de toutes sortes faisait office de trône dans le fond de la salle. Un homme en robe noire passait et repassait devant le trône en gesticulant et en hurlant, ponctuant chacun de ces cris en fracassant une pile d'ossements.

__ Mais qu'avez-vous donc fait de ma cape bande d'incapables ! Ou est-elle ? Trouvez-la-moi ! hurla-t-il pour la centième fois.

Les petits humanoïdes figés d'effroi se lançaient des regards craintifs, mais pas un ne se décida à se démarquer de la foule.

__ Ma cape ! Ma cape ! Son rugissement s'érailla et il s'interrompit, secoué par une quinte de toux. Une voix bien plus puissante prit le relais ; il s'adressait à eux par l'esprit. Par les vents s'en est trop ! Je vous détruirai tous et créerai une nouvelle race sur les cendres fumantes de vos cadavres.

Il pointa un doigt dans leur direction et un rayon de feu jaillit carbonisant les serviteurs les plus à droite du groupe. Tous les êtres mi-homme, mi-rat s'égaillèrent dans toutes les directions en piaillant. Ils criaient tous en courant et quelques phrases intelligibles atteignirent le magicien qui balayait la salle de son rayon de feu.

__ Nous l'avons nettoyée... nous l'avons séchée ... pitié, ne nous tuez plus... nous comprenons la magie... nous comprenons la magie... un petit sort de rien du tout... un peu de vent pour sécher plus vite... nous maitrisons la magie... la magie n'est pas facile... une bourrasque...

Ils s'immobilisèrent tous puis d'innombrables pattes ornées de mains désignèrent la même direction. Le mage suivit leur regard et hurla.

__ Noooooonn !!!

Une arche de pierre encadrait une masse d'énergie rouge palpitante. On apercevait un paysage au travers qui fluctuait sans arrêt. Le portail, car s'en était un, n'était pas stable et avait besoin de l'énergie d'un magicien pour fixer une destination, sinon elles défilaient sans cesse, pouvant vous envoyer aux quatre coins du monde et même dans d'autres dimensions.

La multitude de voix continua son concert __ Elle s'est envolée.... Disparue... Nous ne maitrisons pas la magie... Envolée... Une prairie.. Une carriole de marchand... Envolée... Disparue... Le portail... Pas vu plus... Ne nous tuez pas... Envolée... Disparu... Nous vous servons.... Nous vous aimons... Créateur! créateur ! Créateur !

Ils psalmodiaient à présent.

__ Créateur ! Créateur ! Créateur !

__ Incapables ! Cette cape détient une partie de mes pouvoirs ! Oui je suis votre créateur et il est temps de mettre fin à mon oeuvre.

Le visage du magicien blêmit sous l'effort puis une onde d'énergie magique envahit toute la tour. Les créatures disparurent en une fraction de seconde. L'onde augmenta encore, les murs ondulèrent sous l'impact et toute la tour vibra. L'énergie se dissipa enfin, soulevant un immense nuage de cendre qui occulta les rayons du soleil et souffla les rares squelettes d'arbres encore dressés sur des kilomètres à la ronde.

Le magicien s'affala sur son trône essoufflé, puis saisit un crâne qui jonchait le sol. Il se mit à luire tandis qu'il absorbait l'énergie magique. Un tigre de la taille d'un petit cheval apparut et se frotta contre sa jambe en ronronnant. Il lui gratta le sommet du crâne en murmurant :

__ Je vais t'améliorer encore un peu puis tu me ramèneras cette cape. Il me la faut, ne m'oblige pas à venir la chercher moi-même.

À la tombée de la nuit, ce-qui-fut-un-tigre s'élança dans les ténèbres. Sa foulée élastique ne déplaçant pas la moindre particule de cendre.

Il courrait tandis que les créatures des Hauts Confins le fuyaient.

Le Bretteur et la créature du marais.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant