Durant les deux jours qui suivent, Ben et moi sommes semblables à de pauvres adolescents pathétiques. Dès que nos coéquipiers ont le dos tourné, nous en profitons pour nous embrasser ou nous jeter des regards langoureux. Je devrais trouver notre attitude déplacée mais ce n'est pas le cas, je me sens merveilleusement bien avec lui. Le soir, nous nous retrouvons dans la salle d'entraînement pour parler comme avant. Notre proximité est cependant plus importante et nous sommes moins mal à l'aise. J'ai également décidé d'être moins distante avec Ringer et, même si celle-ci trouve mon changement de comportement étrange, elle se décrispe et me parle moins sèchement qu'au début.
Allongée dans mon lit, je scrute les lattes du lit situé au-dessus de moi. Teacup dort profondément et j'en suis ravie pour elle. Moi je n'y arrive pas. En pensant au danger qui surviendra demain, mon cœur se serre. S'il arrive quelque chose à l'un d'entre nous, nous aurons du mal à nous remettre. Nous paraissons forts mais ce n'est qu'une carapace, nous sommes des enfants, nous sommes encore fragiles.
- Tu crois qu'on va s'en sortir ?
Je tourne la tête, prête à répondre à Sam mais ce n'est pas à moi que le garçon s'adresse.
- On va se serrer les coudes, tout se passera bien, répond Ben en triturant son pendentif entre ses doigts.
Je me rappelle la signification de ce pendentif. Il appartenait à la sœur du jeune Parish. Ben le garde toujours autour du cou.
- J'ai peur, avoue le petit Nugget.
- Je sais moi aussi j'ai peur...
- Zombie ? C'était quoi ton vrai prénom ?
Le capitaine semble hésiter puis souffle :
- Ben. Et toi ?
- Sam... Tu sais, ma sœur me chantait toujours une chanson avant que je m'endorme.
Sur ce, le frère de Cassie entonne une chansonnette. Ben le rejoint rapidement, connaissant la chanson. Je la connais également, mon père me la chantait quand j'étais jeune. Je me retourne pour être dos aux deux garçons et remue les lèvres sans que les paroles de la chanson ne soient audibles. Une larme roule sur ma joue et c'est nostalgique que je tombe de sommeil.
OoOoOo
Le petit-déjeuner est morose ce matin. Personne n'ose parler, trop occupé à imaginer toutes les horreurs qui pourront nous arriver une fois sur le terrain. Durant toute la journée, nous continuons de nous entraîner une dernière fois pour parfaire nos aptitudes militaires. Ringer finalise son enseignement du tir et je tire maintenant presque parfaitement.
Après le dîner, les unités sont censées se regrouper dans le hall de la base militaire. Je cherche Ben et Sam des yeux mais ils sont introuvables. Je préviens Flintstone que je vais chercher les deux garçons et me rue dans les couloirs. Arrivée au dortoir, Ben en sort. Il sursaute en me voyant apparaître.
- Jessica, qu'est-ce que tu fais là ?
- Je suis venue vous chercher. Où est Nugget ?
- Je... Ecoute Jessica, m'avoue Ben en baissant la voix. Il est trop jeune pour ça. Je l'ai ligoté dans une douche pour qu'il ne soit pas obligé de participer à la mission.
Son regard trahit son inquiétude. Il pense que je vais lui en vouloir. Soulagée, je me détends et lui saute au cou pour l'embrasser avec passion. Ben répond avec avidité à ce baiser qui est peut-être notre dernier. Une fois séparés, je lui attrape la main et le tire jusque dans le hall. Tout le monde est déjà en train de s'équiper. Je lâche Ben et vais chercher mon matériel avant de rejoindre les membres de mon escouade. Je détache mes longs cheveux bruns avant de visser le casque de protection sur ma tête et glisse un couteau dans ma botte et un pistolet dans ma ceinture. J'enfile ensuite le gilet par balles et ramasse mon gros fusil. Je fais passer la bandoulière par-dessus ma tête et scrute les autres.
- Prêts les gars ?, lancé-je.
- Prêts, me répondent-ils à l'unisson.
Au pas de course, nous rejoignons l'hélicoptère prévu pour nous emmener au cœur de la ville. Ben monte en dernier et se place face à moi.
- Où est Nugget ?, demande Ringer.
- Il est resté là-bas, intoxication alimentaire, annonce notre capitaine.
La jeune femme me regarde, interrogative. Je hoche la tête pour appuyer les propos de Zombie mais elle semble sceptique.
Durant le trajet, un soldat nous explique qu'une visière est placée sur notre casque. Celle-ci nous sert à repérer les humains parasités par les Autres. Ceux-ci s'affichent ainsi en vert et sont les menaces à abattre.
Quand notre moyen de transport se pose au sol et que le militaire nous souhaite bonne chance, je resserre la prise sur la crosse de mon arme, tétanisée. Une boule obstrue ma gorge et ma bouche est sèche. La porte s'ouvre enfin et nous sommes lâchés au milieu d'une ville saccagée. Les bâtiments sont en ruine et en proie aux flammes.
Zombie prend la tête de la file et court jusqu'à une ruelle. En mode commando, nous nous faufilons entre les voitures fantômes alors que seuls quelques réverbères nous éclairent.
Zombie fait un signe de la main nous intimant d'abaisser nos visières. Des bruits nous parviennent alors dans la rue. Doucement, Teacup se relève et nous souffle qu'ils sont parasités. Mon cœur s'accélère à vue d'œil. Quand Zombie nous ordonne de tirer, je m'agenouille derrière mon baril et pointe l'arme sur les têtes vertes qui s'illuminent dans le noir. Les premiers tirs retentissent créant la panique chez nos assaillants qui ripostent instantanément.
- Ils sont armés, crié-je.
J'enlève le cran de sureté et appuie sur la détente. Le fusil est plus lourd que les pistolets avec lesquels je m'entraînais mais j'arrive à garder l'équilibre. Je tire encore une dizaine de fois et une de mes balles atteint le genou d'un Autre qui s'affaisse au sol en hurlant.
- On bouge !
Suivant les ordres de mon capitaine, je me relève et suis mes coéquipiers dans la ruelle. Ringer et Flintstone courent plus en retrait tout en continuant à tirer. Je les aide à couvrir mes amis en tirant à mon tour et manque de me faire toucher par une balle. Nous arrivons jusqu'à un bus où nous entrons.
- Que tout le monde se baisse, dit Ringer.
Oompa n'a pas le temps de s'aplatir au sol qu'une balle traverse une vitre du bus et se loge dans le torse de notre ami. Dumbo le rattrape avant qu'il ne touche le sol mais c'est trop tard, il est mort.
- Non, allez mon pote ! Oompa réveille-toi.
Teacup pleure à chaudes larmes alors que je suis pétrifiée sur place. Ben me jette un regard apeuré puis regarde furtivement par la porte vitrée du bus.
- Il faut qu'on se barre d'ici.
- Banshee a raison, acquiesce Ringer. Il faut partir.
- Mais vous êtes folles ? Ils vont nous tuer !, sanglote Teacup.
Dumbo dépose son ami sur le sol en séchant ses premières larmes et récupère son arme.
- Zombie, on fait quoi ?, demande-t-il.
- Venez, on va rejoindre ce bâtiment et les canarder d'en haut, annonce le capitaine.
- Et comment on y va ?, m'enquiers-je, paralysée par la peur.
- Je vais faire diversion, déclare Ringer. Dès que je vous le dis, vous rejoignez le bâtiment et je vous suis.
Nous hochons tous la tête et laissons la jeune femme sortir de notre cachette. Au bout que plusieurs secondes, interminables pour moi, la voix de Ringer résonne.
- Go, répète Zombie en se relevant.
Je laisse tout le monde sortir pour les suivre et les couvrir. La visière me fait voir tout un groupe de têtes vertes, je n'arrive pas à croire qu'ils soient aussi nombreux. Je tire dans le tas, tout comme mes compagnons et en tue deux d'un seul coup. L'un d'eux s'effondre sur son camarade qui s'écrase sur le sol.
Nous atteignons enfin le bâtiment juste après que le bus explose, créant la diversion tant attendue. Ringer pique un sprint pour entrer à son tour dans l'édifice et nous presse pour qu'on monte les escaliers.
Arrivés en haut nous soufflons, heureux d'être encore en vie malgré la perte tragique de notre camarade.
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Reste Humaine ► 5e Vague ✓
Fanfiction| FANFICTION TERMINEE | Jessica est morte. Dès le moment où ces foutus aliens ont décidé de s'approprier sa terre, elle a compris qu'elle ne tiendrait pas longtemps. Et maintenant elle est morte. Plus de fêtes, plus de beaux garçons, plus de lycée...