Le temps ferme toutes les blessures, même s'il ne nous épargne pas quelques cicatrices.
— Marc Lévy
Se vider l'esprit était primordial. Il ne devait y rester rien. L'équilibre procuré par celui-ci était essentiel pour l'exercice. Ensuite, il fallait créer un tout fait à partir de rien. Le ciel arborait une palette de bleu clair aujourd'hui. Les nuages blancs avaient pris diverses formes. Le vent. Il soufflait du nord vers le sud, comme cela avait toujours été le cas. Les témoins les plus fragiles de la vie fléchissaient sous le passage de ce dernier. Des pétales blancs et lilas volaient au gré de cette forte brise. Prunus Serrulata, le cerisier du Japon. Ses fleurs étaient d'un blanc presque pur, teintées du rose le plus pâle et particulièrement au niveau de la jonction. Cet arbre, un symbole d'éphémérité, soulignait à merveille le caractère fugitif de la beauté et de la vie. Symbole que Killian ne connaissait que trop bien. Étendu sur l'herbe, la rosée du matin ne l'embêtait point, même si celle-ci humidifiait légèrement son yukata noir aux bandes kaki.
— Akanishi, je sors, dit une voix que Killian reconnut immédiatement. C'était Dusuu le mettre des lieux. Il ne réagit point, se contentant de fixer le ciel attentif.
— Bien, dois-je m'inquiéter? rétorqua-t-il.
— Non, certainement pas, je vais en ville faire un tour, répondit le vieil homme. Je reviendrai dans quelques jours.
— Alors, bon voyage, ajouta simplement Killian.
Il avait l'habitude de s'occuper du sanctuaire seul à présent. Le jeune homme ne pouvait cependant empêcher de s'inquiéter pour Dusuu qui a son âge aurait mieux fait de jouer au Iroha Karuta —un jeu de cartes créé pendant la période Edo — que de parcourir des kilomètres seuls pour se rendre au point de civilisation le plus proche. Inutile de mentionner les nombreuses fois au Killian lui avait offert sa compagnie, mais que le propriétaire du sanctuaire avait calmement refusé prétextant qu'il fallait quelqu'un pour protéger les lieux sanctifiés. Il entendit la porte coulissante se refermer derrière son interlocuteur maintenant parti.
Killian soupira. Cela ne servait à rien de continuer, sa concentration venait d'être brisée. Il décida de mettre fin à sa méditation. Il ouvrit les yeux, déçu de faire face à un décor un peu trop familier. Certes, cette vue sans égale sur les montagnes au sommet enneigé n'était pas à négliger. Cependant, lorsqu'il balayait la pièce du regard, tout ce qu'il voyait était une salle meublée modestement. Les quelques bougies parfumées au jasmin dont le parfum se dissipait aux quatre coins de la pièce, les vitraux monochromes faits à la main par de nombreux visiteurs avant lui et les murs blancs ne faisaient qu'amplifier ce sentiment de morosité profonde. Il détestait se l'admettre, mais il se sentait seul. Surtout depuis que son père l'avait envoyé dans cet endroit. Il n'avait pas revu sa famille depuis son dix-huitième anniversaire, ce qui faisait à présent environ deux ans.
Sachant que sa concentration ne reviendrait pas de sitôt, Killian se leva et se dirigea vers le seul point d'eau de la place. Il passa l'eau froide sur son visage et en profita pour s'abreuver un peu. Puis, il s'observa dans la glace en face de lui. Des mèches rebelles s'échappaient de sa longue natte ébène pour retomber devant son visage. Il les replaça derrière ses oreilles afin de dégager ses yeux. Dans le miroir, deux iris de couleurs dépareillés, l'un, noisette et l'autre, ocre, le fixaient. Ses yeux étaient les siens, mais pas uniquement les siens : ils avaient aussi été ceux de sa mère avant lui. « Avaient », pensa-t-il, l'utilisation du passé lui laissait un goût amer. Il se dirigea vers le coin de la vaste salle. Un meuble en bois s'y trouvait. Il l'ouvrit pour en retirer une enveloppe abîmée par l'eau. « Surement de la pluie », avait-il pensé au moment où il l'avait reçu. Il déplia le papier qui se trouvait à l'intérieur pour en dévoiler une lettre. C'était une correspondance provenant de son père. Ce dernier ne lui écrivait jamais, sauf dans les situations d'urgence, ce qui avait eu pour effet de tout de suite alarmer Killian. Il soupira de nouveau. Que faisait-il? Il n'avait pas besoin de relire ses écrits, car il avait à présent mémorisé cette lettre après l'avoir lue et relue un nombre incalculable de fois.
VOUS LISEZ
Astrium : Les Portes du Temps
Science Fiction« Il sourit tristement en pensant à sa victoire qu'il savourait éphémèrement. Il avait mis l'Humanité de toutes générations à la merci de l'ordre le plus primaire qu'il puisse exister : Le Chaos. » Lorsque les membres du Portail, de dangereux chrono...