§ Chapitre 3 §

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Le temps n'est que l'espace entre nos souvenirs. 

-Henri-Frédéric Amiel

La clochette perchée au-dessus de la porte du Silver Gaming Café retentit, faisant savoir à tous que quelqu'un venait de mettre les pieds dans le commerce. Valentin salua d'un regard respectueux et d'un geste de main amical les clients qui occupaient déjà la place. Comme à son habitude, il prit une place au bord du comptoir centrale où Jérôme, le maître des lieux, s'affairait à astiquer quelques verres déjà bien propres. C'était une manière de se tenir occupé en attendant l'arrivée de nouveaux clients. Pendant qu'il retirait son pardessus, l'attention de Valentin fut attirée par le seul écran télévisé de la place, suspendu au-dessus de sa tête. Encore ce matin, le président de la VIe république se livrait à une période de question concernant les différents événements inusuels survenus dans le pays. Le président aimait les médias, ce qui était connu de tout le monde. Ces derniers avaient toujours dépeint de lui, une image très flatteuse et charismatique. Et cela rendait Valentin malade. Très peu de gens étaient au courant de la vraie facette de ce dirigeant qui, dans les faits, menait son propre peuple par le bout du nez. Il n'en avait pas fallu plus de quelques minutes et quelques coups de clavier pour que Valentin finisse par découvrir la vérité. Les moyens de financement de sa campagne, la véritable provenance de sa soi-disant fortune et les projets de loi qu'il comptait réellement mettre en place n'étaient que quelques exemples parmi tant d'autres.

-Alors, Valentin, l'interrompit Jerôme, tu as encore décidé de broyer du noir. Cela doit faire au moins dix minutes que tu fixes l'écran sans rien dire. À quoi penses-tu?

Valentin réajusta intuitivement, d'un léger coup de main, les lunettes noires et rectangulaires perchées sur le bout de son nez. Puis, il répondit à son interlocuteur : « À rien de particulier... comment vont les affaires aujourd'hui?

-Et bien, commença Jerôme, comme tu peux le voir, il n'y a pas eu de nouvelles clientèles aujourd'hui.

-D'habitude, le café est plein à craquer, confirma Valentin. Sont-ils tous effrayés à ce point?

-Oui, mais avec la récente neige qui a frappé la côte et les nombreuses disparitions dans tout le pays, je comprends un peu les gens, je dois t'avouer.

Plusieurs cas de disparition avaient été déclarés à l'intérieur de ces quelques jours. Hommes, Vieux, Femmes, enfants : personne n'était à l'abri. Ces personnes étaient introuvables. Tout ce que les forces de l'ordre pouvaient offrir aux familles concernées n'était que quelques mouchoirs et des épaules sur lesquelles pleurer. Jérôme soupira avant de poursuivre.

-Ils ont tous peur d'être les prochains sur la liste. J'ai même entendu certains parler que c'était l'œuvre d'une secte. Des lycées ferment et des universités même y pensent également. Quoique tout ça soit, ce n'est plus une blague.

Un climat de peur commençait à s'installer dans tout le pays et cela ne présageait rien de bon.

-Mais bon, assez parlé de ça, ajouta Jerôme, je n'ai pas envie que mon client le plus fidèle aussi vienne à aller se cacher.

Il déposa devant lui, sa commande habituelle juste au moment où l'estomac de Valentin commençait à se réveiller pour lui rappeler la vraie raison de sa venue.

-Voilà ton café au lait dans ta tasse préférée ainsi que ton croissant aux pistaches coupé en deux.

-Merci, répondit-il en souriant comme un enfant, as-tu pensé à déposer ta candidature pour l'employé du mois?

Jérôme rit franchement.

-Si seulement j'avais quelqu'un pour compétitionner pour ce titre. Allez bon, je vais te laisser, il me reste encore de la vaisselle à nettoyer.

Astrium : Les Portes du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant