Le temps vole et m'emporte malgré moi, j'ai beau vouloir le retenir, c'est lui qui m'entraîne.
-Madame de Sévigné«Inspire, expire». Tels étaient les mots que Robyn se répétait depuis tout à l'heure. Un pied devant l'autre, elle marchait ou plutôt faisait les cent pas dans cette salle et cela lui était bien égal. Elle ne pouvait s'arrêter, rongée par le stress et l'appréhension des événements à venir. Elle ne savait quoi faire pour se calmer. Cette salle impersonnelle ne faisait qu'amplifier l'angoisse que Robyn ressentait. Les murs bleu délavé étaient ornés de motifs rappelant l'Époque victorienne. Dans un coin, une chaise en bois verni était accompagnée d'une table basse décorée d'un pot de fleurs. Il s'agissait d'orchidées blanches. La superficie ne dépassait guère sept ou huit pieds carrés. Ses doigts effleurèrent les fleurs.
«Des fausses, évidemment, avait pensé Robyn, de toute manière, il aurait été impossible de cultiver de vraies fleurs dans cet espace propice à la suffocation.»
Elle tenta de dresser les plis rebelles de sa jupe droite en denim. Un coup de fer à repasser n'aurait pas été de trop. Elle se reprocha de ne pas s'être vêtue de quelque chose de plus classique. Son cardigan violet au-dessus sa chemise blanche suffisait, mais elle pensa au pantalon cintré noir qu'elle aurait pu porter. Si seulement, elle ne s'était pas levée en retard, une fois de plus. La brunette soupira et retourna s'asseoir.
«Difficile de changer les bonnes vieilles habitudes» souffla-t-elle.
Cependant, cette audition pouvait changer le cours des choses. Elle était sa seule chance à l'heure actuelle. Enfin, sa dixième chance, mais cela était un détail. Si elle parvenait à impressionner le jury, elle aurait une meilleure chance d'intégrer l'Orchestre Symphonique de la ville. Ses propriétaires recherchaient un nouveau pianiste et Robyn s'était laissée séduire par cette occasion unique. N'importe qui dans sa position n'aurait su faire autrement. Cet instrument à cordes était tout sa vie. Il était apparu dans un moment crucial de sa vie. Il était là quand elle n'avait personne. Il lui avait permis de rêver en grand. Elle espérait, un jour, pouvoir égaler les idoles qui l'avaient inspirée. Une voix l'interpella, brisant ses rêveries.
«Mademoiselle Robyn Matthews», crachota l'interphone qui était apparemment dissimulé dans la salle.
Son corps se raidit instantanément et Robyn dut faire un effort surhumain pour se calmer. Elle quitta la salle non sans jeter un regard en arrière et se mit en direction de la scène d'audition. Au fur et à mesure qu'elle avançait, l'ampleur de sa décision la rattrapait. Il était malheureusement trop tard pour faire demi-tour. Lorsqu'elle arriva sur la scène, l'éclairage était centré droit sur elle. Elle leva instinctivement une main pour parer la lumière qui l'éblouissait. Elle ne put distinguer que trois silhouettes assises au premier rang. Elle devina néanmoins, les traits sévères et calepins en main, qu'ils l'observaient avec minutie. Robyn sentait que chacun de ses mouvements se devait d'être très précisément calculé. Bien qu'elle ne put distinguer clairement son interlocuteur, la voix d'une femme s'adressa à elle.
« Mademoiselle Matthews, est-ce bien cela? demanda la femme, le tout ressemblait plus à une affirmation qu'une question.
-Oui, effectivement, répondit l'intéressée.
-Alors que comptez-vous nous interpréter aujourd'hui?
-Un morceau que j'ai moi-même composé.
-Très bien, alors allez-y et impressionnez-nous. »
Robyn s'installa derrière le piano à queue au milieu de la scène. Elle en eut le souffle coupé, et ce, tellement qu'elle n'osa presque pas y toucher. Elle n'avait pu manipuler ce genre d'instrument luxueux que deux fois dans sa vie. La première étant au Conservatoire et la deuxième étant, et bien, maintenant. Il semblait comme neuf. Les touches étaient d'un blanc immaculé tandis que les noirs semblaient clairement lustrés. Robyn les effleura du bout des doigts tentant de mémoriser cette sensation divine que seuls les pianistes pouvaient ressentir. L'excitation montait en elle, tel un enfant qui venait de recevoir un nouveau jouet. Elle finit par positionner ses doigts, puis inspira une dernière fois avant de se lancer dans son morceau.
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Astrium : Les Portes du Temps
Science Fiction« Il sourit tristement en pensant à sa victoire qu'il savourait éphémèrement. Il avait mis l'Humanité de toutes générations à la merci de l'ordre le plus primaire qu'il puisse exister : Le Chaos. » Lorsque les membres du Portail, de dangereux chrono...