Le temps qui passe ne guérit de rien.
- Jean-Jacques Goldman
« Six », compta-t-il pour lui-même. Par six fois, ses assaillants étaient parvenus à le retrouver. Il parcourait, depuis, l'Australie sans un moment de repos. Un périple qu'il aurait considéré comme presque agréable étant donné tout ce qu'il avait pu découvrir pendant celui-ci. Son séjour dans la jungle, la découverte d'espèces inconnues et son apprentissage du surf. Il en aurait été infiniment meilleur si ces gens dont il ignorait les identités n'en avaient pas après lui. Pour quelles raisons? Il les ignorait, mais il se doutait que ce ne soit point pour les bonnes. Étaient-ils des chasseurs de prime? Des mercenaires? Des assassins? Il lui était difficilement possible d'imaginer quelque chose de pire. Seule la certitude que ces gens ne devaient pas se saisir de lui suffisait à le persuader d'avancer.
« Personne ne peut les arrêter, pensa-t-il en se remémorant ceux qui avaient essayé, ils ont même été jusqu'à ouvrir le feu sur les autorités. »
Driss réprima un frisson d'horreur quant à se souvenir datant d'il y a quelques mois. Les victimes avaient disparu sans laisser de trace. Ce dernier avait tenté de suivre l'affaire dans les journaux locaux, mais aucun article ou même communiqué n'avait été évoqué. Peu importe ce que furent ces personnes, elles avaient de l'influence. Carburant à l'adrénaline, il continua sa course jusqu'au sommet d'un cap. Driss commençait à se fatiguer : l'écart entre ses assaillants et lui diminuait un peu trop rapidement. Il lui fallait agir, et vite. Il était dans une impasse et s'il ne passait pas à l'action dans les prochaines secondes, son indécision pourrait lui coûter la vie.
Driss s'élança du haut du cap, abandonnant ses agresseurs derrière lui. Il comptait sur l'hésitation de ses poursuivants afin de prendre de l'avance. Après tout, il venait d'effectuer un plongeon d'une vingtaine de mètres au minimum. Cette certitude de pouvoir s'en sortir indemne, il l'avait, mais, eux, probablement pas. Il prit une grande respiration, gonflant ses poumons à pleines capacités, avant de plonger tête première dans l'océan. L'eau était plus froide que ce qu'elle ne devait l'être à ce temps de l'année. Il réprima un frisson tandis que les vagues déferlantes l'emportaient dans le tourbillon des profondeurs du royaume de Poséidon. Malgré ses prouesses remarquables d'apnée, Driss savait qu'il n'avait que quelques minutes pour retrouver la surface. Dans le cas contraire, il risquait d'être à la merci de la Mère des Eaux. Cependant, Driss n'entama point son ascension immédiatement. Quelque chose le retenait. Une pensée sombre lui traversa furtivement l'esprit. Il serait si facile d'abandonner. Il en avait marre de devoir fuir, se cacher comme un paria. Il était seul dans son combat depuis le début et tout cela commençait à le fatiguer. Il ne savait même pas pourquoi il était la cible de toutes ces attaques. Il aurait voulu au moins savoir pourquoi, merde... mais tout cela n'aurait plus d'importance. Tout ce qu'il avait à faire était d'arrêter de se débattre, de laisser le courant l'emporter là où il trouverait la paix. Il aimait bien cette idée. Il ferma les yeux, prêt à lâcher prise.
Toutefois, il pensa à tout ce qu'il laisserait derrière lui. Tout ce qu'il n'avait pu accomplir. Ses proches à qui on apporterait son corps retrouvé sur la berge. Il pouvait facilement visualiser le visage de sa mère se décomposant sous la nouvelle... et quelque chose se réveilla en lui. Elle avait déjà tant perdu. Driss ne pouvait se résoudre à l'abandonner ainsi. Une énergie nouvelle. Non. Abandonner ne pouvait être une option. Bordel. Une donnée essentielle au problème le fit changer d'avis. Lorsqu'il avait croisé le regard de ses assaillants, il eut un déclic. Ces derniers lui étaient familiers, Driss le savait. Ils avaient eu leurs mots à dire dans le décès de son père, assassiné il y a quelques années. Il ne pouvait plus abandonner. Driss se devait de savoir la fin de l'histoire, se devait de se battre pour celui qui avait laissé sa vie pour assurer celle de sa progéniture. Il rouvrit les yeux et mit toute son énergie à combattre le courant afin de remonter à la surface, vers la vérité. Cependant, Driss avait perdu énormément de temps sous l'eau. Tandis qu'il remontait sa vision devenait de plus en plus trouble et ses poumons se comprimaient. Il allait mourir et pour la première fois depuis très longtemps, il avait peur. Tout devint noir et il lâcha un cri étouffé par l'eau qui s'engouffrait dans le fond de sa gorge. Il demanda intérieurement pardon à ceux qu'il avait lâchement abandonnés par sentiment d'égoïsme.

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Astrium : Les Portes du Temps
Science-Fiction« Il sourit tristement en pensant à sa victoire qu'il savourait éphémèrement. Il avait mis l'Humanité de toutes générations à la merci de l'ordre le plus primaire qu'il puisse exister : Le Chaos. » Lorsque les membres du Portail, de dangereux chrono...