Rencontre avec mes cauchemars [Livre 1]

Partie 2 - Chapitre 7

Harleen est passée me voir il y a un moment pour le diagnostic. Elle m'a posé des questions, j'ai répondu. Les médicaments m'empêchaient de comprendre, je me souviens absolument pas de mes réponses. Je sens plus rien. Je suis une enveloppe vide. Parfaite métaphore. 

Il s'est écoulé des heures. Non, des jours... Des mois, peut-être ? Je n'ai aucun souvenir du temps qui passe, je sais juste que c'est un ennui perpétuel à peine ponctué des repas qu'on me glisse. De toute façon, je les oublie aussi. J'oublie même Harleen. Elle est venue me parler quelques fois, il me semble. Je sais plus. Je sais pas ce qu'on me donne comme médocs, mais ils me tuent. Je sais plus ce que je suis, pourquoi je suis ici. Je suis totalement perdue. J'ai oublié ce que je cherchais en venant ici. J'ai oublié comment on m'a attrapé. Je sais plus rien. Le plus effrayant, c'est que j'ai beau être en colère, je ne le sens même plus. Encore pire, je sais que mes pertes de mémoire n'ont rien à voir avec l'autre Lana. Je ne la sens plus non plus. C'est ce qui est le pire. Je pensais être heureuse de ça, mais je ne ressens rien. Elle n'est pas là, je suis seule, aucun allié. Personne. Seule... La lumière change la nuit, elle s'éteint. C'est mon seul repère. Ne pas savoir le temps qui passe est atroce. Je sais pas quand je sortirais. Je sais pas quand on me laissera sortir. Jamais ? Je m'en souviens plus. Je sais pas. Je suis juste... fatiguée. Alors je dors. Parce qu'il n'y a rien d'autre à faire. Je dors, et j'oublie pourquoi je voulais dormir. Je n'arrive pas à trouver le sommeil, alors je m'ennuie, je fatigue, et je veux dormir. Je finis par m'évanouir, puis je reviens à moi, toujours aussi perdue. Incapable de me rendre compte que je suis déjà morte. 

Un cheveu se balance devant mes yeux et je n'y fais pas attention. J'ai toujours eu les cheveux longs, les avoir dans le visage est habituel. 

Sauf que je n'ai plus de cheveux. Ils m'ont rasés. J'en suis presque sûre. Hagarde, je relève la tête. Un visage qui flotte. PUTAIN SALLY ! Je suis incapable d'articuler le moindre son ou de bouger, mais des larmes se mettent à dévaler mes joues. Sally ! Ma petite Sally !

Je vois ses lèvres bouger, mais je n'entends rien, absolument rien. Elle a l'air paniquée. Elle pleure elle aussi. Elle se blottit contre mon corps amorphe. Je ne peux rien faire pour l'aider. J'ai abandonné depuis longtemps. Je m'excuse. Je suis inutile. Pardon Sally. Je ne bouge pas, elle me frappe. Elle lance les meubles de mousse sur moi, elle essaie de soulever le lit pour me le poser dessus, pour me faire réagir, inutile. Elle pince la peau de mon cou, la seule découverte, tire sur ma camisole de force, secoue le mur derrière moi. Rien. Je suis insensible. Puis d'un coup, prise de rage, je suppose, elle plonge ses mains dans ma tête. 

Un éclair s'abat dans mon crâne. Douleur, chaleur, mort.

Je crie comme jamais dans ma vie, assez pour que trois gardiens fassent irruption dans ma cellule et découvrent les meubles éparpillés dans la pièce. Ils me trouvent au sol, roulée en boule, hurlant de toutes mes forces, au point que mes cordes vocales finissent par lâcher. Et pourtant, je continue de hurler à l'intérieur. CA FAIT MAL, PUTAIN !

Et soudain, noir. Noir intense. Quand la lumière revient, je suis dans la cellule d'isolement, seule, comme si rien ne s'était passé. À la différence que je ressens quelque chose. Là, sur le bord de ma conscience, il y a l'autre Lana. C'est elle que Sally tentait de ramener. Et elle a réussit ! Sauvée ! Enfin, pas encore, mais je suis consciente ! Je peux élaborer un plan ! Revigorée, je me lève et fait quelques exercices. Je ressens à nouveau ! Je peux contrôler mes émotions, savoir le temps qui passe ! Je peux de nouveau être humaine ! Le déclic de la porte me ramène à la réalité. Ils vont me donner d'autre médocs, et je vais replonger aussitôt. La psy blonde traverse la porte et me fait face. Je ne peux pas m'empêcher de lui lâcher un charmant :

" - Salut Harleen. "

Voilà, je me suis déjà grillée. Pas capable d'agir comme un légume. Légume grillé.