Journal de Mar : 18 septembre, nuit

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Devinez ce qui s'annonce ? Encore un long dimanche à survivre en perfusion numérique . La météo prévoit de la pluie, des larmes , des soupirs et du vent . Je trouve Sand bizarre , désagréable depuis quelques temps . Pas particulièrement avec moi ou avec Sol . On dirait qu'elle est au dernier cran . Ça à commencer vers la fin de l'été . Elle est devenue aussi moelleuse qu'une boulotte d'épingles. Elle piquait dans tous les sens , toujours à nous vanner, tellement que Sol et moi on ne faisait même plus gaffe. Ça devenait sa façon de parler. Elle était souvent triste ou de vache humeur ( les hormones, dit ma mère qui à son master de pathologie ado ) . Une fois, on était sur la terrasse de notre bistrot favoris à côté de la mer , à papoter , à se moquer des touristes , on langottait nos jus de framboise glacés , sous l'œil attendri
d' Erwann , le serveur qui nous connaît depuis qu'on est petites . La plage était siesteuse, et nous , on délectait le temps en complétant un tableau des correspondances idéales entre fesses et maillot de bain . Sol prétendait que , en cas de grosses fesses, le bas devait forcément être fluo, tandis que le haut devait être fleuri , et moi , j'était sûre que non , que le bas il fallait qu'il soit sombre et sobre pour ne pas attirer le regard. Alors Sol s'est enflammée :
- Quand t'as un truc qui déconne , tu l'assume , tu le montres . Sinon tu deviens esclave de ton image .
Je me suis énervée, normal, non, quand Miss Univers se met à soupirer devant son miroir ?
- Parce que toi t'as quoi qui vrille, à part le petit poil, là , qui voltige à l'extrémité de ton sourcil gauche ?
- Sans déc ? Un poil récalcitrant ! Mar, file-moi vite ta pince à épiler !
Alors, Sand à fait «bam» avec sa main sur la table , tellement fort que les verres on fait «bong» et que Sol et moi, on s'est regardées, comme deux statues .
- Vous êtes trop connes .
Sand à largué ça comme ça . Comme une bourse sur la nappe de Noël . On était là à s'asticoter pour rire et voilà Dieunotrepère qui détonne , les yeux noirs et la barbe électrique .
- Trop connes.
Sol à soupiré tandis que Sand s'empiffrait contre nous : on était trop frivoles , on pensait qu'à nos fesses , on n'avait rien compris à la vie , on broutait l'herbe comme des vaches . Sol à dit que c'était vrai, que Sand avait raison, qu'il n'y a pas que les fesses dans la vie. Et Sand à dégainé que de toute façon, Sol était tout le temps d'accord avec tout le monde , et surtout avec le dernier qui avait parlé. Elle a enchaîné avec des alexandrins sans fin sur la vie qui est toujours pareille , sur sa première fois où elle a eu envie de s'en aller très loin . Quand son père est venu la chercher à l'internat , à la fin de sa première semaine de 6e , et qu'elle a capté que tous les vendredis , pendant quatre ans , à la même heure , son père viendrait la chercher, dans la même voiture, avec le même chapeau en cuir, devant le même portail . Alors j'ai dit que pour moi c'était pareil , qu'il faudrait dégommer le mot «imprévisible» parce que la vie , c'était ça : répéter tous les jours les mêmes choses , et que les premières fois étaient rares , finalement . Alors, Sand à éclaté en sanglots et on n'a jamais réussi à savoir pourquoi .
C'est drôle , je suis en train de parler d'elle et elle vient de m'envoyer un mail . À bientôt , petit journal .

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