J'allais au lycée.
J'avais deux amis. Christophe et Lucas. Entre nous, on s'appelait Chris, Lulu et Tintin.
Je m'appelle Martin.
J'ai une petite sœur. Un petit frère. Léa et Théo.
Ma mère, Théa et mon père, Léo.
J'allais au lycée.
Comme la plupart des mecs, j'avais un crush sur cette fille. Athéna.
Tout chez elle s'apparentait à une déesse. Son visage. Ses lèvres. Ses longs cheveux. Ses courbes. Sa manière de marcher. Son rire.
J'étais fou d'elle.
J'étais effacé comme mec. Pas moche, mais j'étais pas beau non plus. Je cherchais pas à être vu.
En fait, j'le voulais surtout pas.
Je voulais juste pas être vu par elle. Je voulais pas qu'elle me juge, qu'elle pense du mal de moi. Je voulais pas qu'elle rit en voyant ma gueule de paumé.Elle était le soleil j'étais la pluie.
Chaque jour, je la voyais passer avec son groupe de copines, ou son copain du moment.
Ils étaient tous beaux gosses. Avec une prestance. Du caractère. Une gueule d'amour, et un sacré culot.
Elle finissait toujours par se faire larguer.
Moi... Je faisais mon chemin.
Je suis entré en terminale. J'ai changé de coupe de cheveux. De style vestimentaire. Je me suis mis au sport.
En soit, j'ai jamais trouvé que c'était quelque chose de fou. Je ne considérais même pas ça comme un changement. Mais les filles elles, l'ont remarqué. Elles ont commencé à m'ajouter en ami sur facebook. A me parler. A me demander mon numéro. Mon snap. Mon twitter. Mon instagram.
Je comprenais pas ce qu'ils leur prenaient.
Athéna elle... J'ai remarqué qu'elle m'avait remarqué. Mais elle se contentait de me regarder parfois du coin de l'œil.
Je ne l'ai jamais demandée en ami sur facebook et elle ne l'a jamais fais.
Je commençais à briller un peu plus auprès des autres, et elle commençait à ternir.
Je ne cessais pas de la trouver belle, mais je voyais l'étincelle dans son regard qui m'avait fait craquer à la seconde où je l'avais rencontrée disparaître.
Les filles me parlaient, me voyaient. Mais je ne continuais qu'à la voir elle. Elle commençait à traîner seule. Sans sourire. Sans maquillage. Sans personne.Parfois à la récré, elle sortait par le portail et ne revenait pas en cours de la journée.
Un jour... Je l'ai suivi. J'ai passé outre le savon que j'allais me prendre en rentrant ce soir par mes parents pour avoir séché les cours, et j'y ai été.
Je l'ai suivie un petit moment. Je l'ai vu s'arrêter dans le parc à quelques rues du lycée et s'asseoir sur un banc. Je suis passé devant elle sans oser m'arrêter et j'ai tracé mon chemin.Le lendemain... Elle paraissait encore plus absente. Les traits marqués. Les cernes violacés. Le regard absent. Elle est sortie.
Je l'ai suivie.
Elle s'est cette fois dirigée vers un HLM. Je l'ai regardée rentrer. Je me suis dis que je pourrais l'interpeller et lui dire tout ce que je pense d'elle. Que je la regarde depuis la seconde, que je pense souvent à elle et que je trouve que c'est une beauté rarissime. Qu'elle dégage quelque chose qui ne peut m'empêcher de la regarder sans être discret, et que j'aimerais savoir pourquoi de jour en jour elle s'éteint peu à peu et s'absente de plus en plus. Je n'ai pas suivi mon idée et suis retourné en cours. Je n'allais quand même pas l'attendre devant son immeuble.Lorsque le lendemain en revenant au lycée j'ai appris qu'elle s'était jetée du haut de cet immeuble, j'ai pas su quoi penser.
Sur le coup je me suis dis que c'était ironique, que c'est comme si nos vies avaient été échangées. Elle était devenue banale, effacée et triste, tandis que moi j'étais devenue la nouvelle coqueluche de toutes ces filles sans savoir pourquoi du jour au lendemain.
C'était elle avant la coqueluche des garçons.
Je me suis dis que peut être, si j'avais osé lui parler, lui dire ce que je pensais d'elle, elle n'aurait peut être pas fait ce geste regrettable.
Pourquoi a-t'elle fait ça? Blessure d'amour? Blessure d'amitié? Incapacité à etre réellement heureuse? Blessure de famille?
Je ne le saurais jamais.
J'avais l'intime conviction que les mots étaient la solution à tout. A tout, et même à la mort.
Je savais que les mots auraient pu sauver des tas de personnes suicidaires qui ne savaient justement pas les utiliser pour se soulager. Je savais que les mots étaient la réponse à tout.
Je savais que j'aurais dû l'approcher à la seconde ou nos vies se sont inversées, lui parler, l'intéresser, et même l'aimer.
Je suis fou?
Sûrement. J'ai passé trois ans à désirer une jeune fille qui peu à peu à perdu de son éclat pour finalement se jeter dans le vide.
J'ai un sentiment d'inachevé. Je ne pourrais jamais lui dire combien elle pouvait resplendir à mes yeux. Je ne pourrais jamais lui dire que la vie était belle et qu'elle aussi.Je ne la connaissais pas, pourtant je regrette de ne pas avoir pu soigner ses failles intérieures lorsque je les ai remarquées tandis que tout le monde se contentait de l'ignorer.