Odeur de fer

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Décidément, quelque chose n'allait pas dans le sens normal des choses. Elle avança, fébrilement, en suspens, dans ce couloir noir. Des bruits lui parvinrent indistinctement de l'étage supérieur. C'était des rires d'enfants, ou bien des pleurs, elle n'était pas tout à fait sûre. Il lui semblait qu'elle était dans son ancien collège, mais là encore, elle n'en savait rien. Il faisait beaucoup trop noir. Une odeur particulière mais familière flottait sur les murs, et sur le plafond. C'était une odeur âcre, qu'elle n'aurait pu absolument définir sur le moment même. Elle continua d'avancer, le souffle court, et le dos parcouru d'une transpiration récente. Elle voulut appeler quelqu'un, ou quelque chose, n'importe quoi, qui aurait pu la rassurer au moins un peu, mais elle était effrayée. Ces bruits étranges d'enfants qui ne paraissaient malgré tout pas humains, et qui sortaient de nulle part lui hérissait le poil. Et si une silhouette enfantine, comme dans la plupart des histoires affreuses, sortait de l'ombre là, devant elle, sans bouger ? Elle serait sans doute morte de peur avant d'avoir pu crier quoique ce soit. Alors elle ne dit rien. Elle se contenta de marcher, incertaine et timidement, dans un couloir qui ne finissait pas et qui empestait. Subitement, elle se rappela de qu'est ce qu'était l'odeur qu'elle sentait depuis tout à l'heure. Cette odeur âcre familière, c'était l'odeur du fer. Une odeur qui vous prend aux tripes et au coeur, l'odeur du sang. Du sang qui s'écoule peu à peu d'un corps brisé, d'un corps mort. Cette odeur de fer, c'était l'odeur de la mort.

Au même moment, du sang s'écoula le long des murs sombres, comme s'il venait d'en haut, et les rires-pleurs des enfants, se transforma en un hurlement sourd mais abominable. C'était le hurlement du loup pendant la pleine lune, le hurlement du porc qu'on va égorger, le hurlement du chien qui crie à la mort, et le hurlement de l'homme qui voit le monde s'écrouler en face de lui. Ce mélange de hurlement fort mais sourd lui fit terriblement mal à la tête. C'était une migraine soudaine, qui ne vient on ne sait quand, mais qui ne peut même pas être soulagée. Elle se jeta au sol, les mains sur ses oreilles, afin de limiter son mal. Mais, alors qu'elle venait de se précipiter sur le carrelage froid du couloir, tout autour d'elle se mit à tanguer, et quelqu'un répéta son nom dans le noir. C'était une ombre, une ombre qui glace le sang, une ombre comme on en a jamais vu, gigantesque mais dotée d'une silhouette fine. L'ombre étendit le bras, et elle cria, du même cri que les bruits d'enfants. Son hurlement était comparable à celui du loup, celui du porc, et celui du chien. Le bras la toucha, et tout se finit. Son petit ami qui dormait à côté d'elle venait de poser une main rassurante sur sa hanche et chuchota : "Viens par là ma puce, tu viens de faire un cauchemar".

Écrits De CorbeilleWhere stories live. Discover now