Chapitre 11 - London's Scheme

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Theodore



Victoria Yates. Vicky. Eurydice. Il n'y avait pas de photos d'elle dans les journaux comme lors de la disparition d'Eliza Davis ou le meurtre de Maybel Thomas. Il n'y avait pas d'articles larmoyant et alarmant, s'inquiétant de la sécurité des jeunes filles dans Londres, une fois la nuit tombée. Aucune mention n'était faite d'elle. Nulle part. Et il n'y en aurait jamais. Encore une pauvre fille des rues qui disparaissait sans que cela n'émeuve personne. Une parmi tant d'autres ! Quelle importance ? Il n'y aurait personne pour la pleurer, si ce n'était ses parents, si elle en avait encore et si ceux-ci lui accordait encore un minimum d'importance. Les bourgeois, les hommes et les femmes de la haute société et donc les papiers et les imprimeries qu'ils possédaient ne se préoccupaient que lorsque leurs propres vies étaient en jeu. Et aujourd'hui, cela n'était pas le cas. Tous les jours, des dizaines de pouilleux, de mendiants et d'âmes perdues dans Whitechapel s'évanouissaient. C'était la norme. Ils n'avaient qu'à faire attention. Ils n'avaient pas à trainer dans de tels quartiers. Cela ne nous regarde pas.

Je revis les iris mordorées de Violet White, allumés par une flamme nouvelle, me demander de retrouver cette fille. Je revis ses longs cils noirs jeter comme des ombres sur ses joues pâles et légèrement creusées. Je revis ses cheveux noirs, auréolant son visage comme une aura menaçante. Qu'avait-elle à y gagner ? Victoria « Vicky » Yates avait-elle une importance capitale à ses yeux ? Elle, si farouche et si froide, avait supplié pour que l'on retrouve sa consœur. M'avait supplié. Et j'avais accepté, comme un imbécile.

Je me rappelais encore mes premières années de service et des brimades de mes collègues lorsque mes sentiments encore attendris s'offusquaient de la différence de traitement entre nos victimes, traitement dépendant de leur renom, de leurs bourses et de leur réputation. Et à mes interrogations, que je pensais alors légitimes, on me répondait à coups de grands éclats de rires ironiques et de grosses tapes dans le dos. « Petit cœur tendre va finir par comprendre, un jour peut-être ! » s'était moqué mon supérieur. « T'es venu pour défendre la veuve et l'orphelin ? Faire valoir la justice ? Je pense que tu t'es trompé dans ce cas ! »

En prononçant ces mots, il avait eu tort et raison. De la justice, il n'y en avait que pour les grands.

Je m'étais débarrassé de mes inquiétudes à ce sujet il y avait longtemps. Je m'étais endurci, j'avais mûri, j'étais sagement rentré dans le moule. Pour faire mon travail, pour m'entendre avec mes partenaires, pour me protéger, aussi. Une âme trop délicate, brisée à la moindre injustice ne pourrait pas survivre à Scotland Yard. Ne pourrait par survivre à Londres.

Et voilà que j'étais reparti pour un tour, prenant pitié pour la fille de joie suppliante. Quel idiot.

Je soupirais en m'étirant sur ma chaise de bureau. Le soleil était levé depuis plus d'une heure et l'enquête piétinait, encore et toujours. Ma seule piste demeurait cette maudite prostituée qui c'était proposée pour devenir mes yeux et mes oreilles au Temple. Cette maudite prostituée et Daniel qui devait fourrer son nez un peu partout. Une fille de joie et un excentrique. Un bien beau couple sur lequel se reposer. Je me sentais impuissant, dépendant de ces deux là qui éprouvaient ma confiance en eux qui, quand elle était inexistante pour la jeune femme, demeurait vacillante pour la mouche. Et je détestais cette position.

Le mois de novembre avait surpris la capitale anglaise et si la neige ne tombait pas encore, les gros nuages blancs menaçaient les toits. Bientôt, la ville serait transformée en flaque de boue géante. Les cochers fonceraient dans les rues étroites, comme d'habitude, et glisseraient sur les flaques de verglas et sur la neige gelée, renversant au passage des piétons frigorifiés. On nous appellerait bientôt pour des accidents, pour récupérer des cadavres ensanglantés sur le pavé marrons, mais également des clochards morts de froid à l'entrée des échoppes. Je détestais l'hiver. Mais pas pour ces raisons.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 09, 2017 ⏰

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