Chapitre 6 - London's Bodies

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Theodore



Le Temple n'était pas un endroit méconnu des policiers de Scotland Yard. Non pas parce que certains agents y étaient clients (qu'ils le soient ou non relevait de leur vie privée et cela ne me regardait absolument pas, sauf si cela compromettait une enquête), mais parce que certaines filles servaient de mouches aux inspecteurs. Il était aisé et si facile de tendre l'oreille face à une bouche bavarde qui vient d'être comblée. Et les hommes racontaient beaucoup plus d'histoires aux prostituées qu'ils visitaient le temps d'une nuit plutôt qu'à leurs femmes qui attendaient bien sagement à la maison. Elles étaient donc des informatrices de choix. Je n'y avais pourtant jamais mis les pieds. Aucune des pistes et aucun des indices jusqu'alors ne m'avait mené à cet endroit si particulier dont les lords étaient friands.

Si la rue m'avait parue trop animée à cette heure tardive de la nuit et un peu trop remplie de gentlemen au regard louche, la maison close était un cran au-dessus. Voire même deux. Ou dix. La demeure, d'extérieur, ressemblait à un hôtel particulier. Sa façade blanche était d'une propreté immaculée. Des pics de fer forgés ornés de fleurs décoratives protégeaient les fenêtres et la petite cour décorées de buissons finement taillés devant l'entrée. Tout m'avait l'air très respectable. En dehors de la courte queue d'hommes impatients qui se trituraient les moustaches et dont les doigts tapotaient les rebords de leur haut de forme sombre.

Je pris ma place derrière un homme d'un âge avancé. M'imaginer ce qu'il pensait à cet instant précis me fit grimacer, mais je tentais d'afficher un visage impassible pour ne pas attirer l'attention. Mais déjà, quelques regards déviaient sur moi pour me jauger de haut en bas. Je n'étais pas un habitué et les visiteurs quotidiens ou hebdomadaires me voyaient certainement d'un mauvais œil. Un concurrent en plus ? Quelqu'un qui pourrait les reconnaître ? Je les ignorais et me concentrais sur la lourde porte noire qui s'ouvrait et se fermait par intermittence.

Enfin, je montrais patte blanche lorsque mon tour vint et que le vigile consentit à me laisser passer. Je fus étonné des mesures de sécurité prises et surtout de standing et de l'aura qui émanait du lupanar, même d'extérieur. Cela n'avait rien à voir avec les taudis répugnants que l'on visitait quelques fois dans les quartiers pauvres et crasseux de la capitale.

En ouvrant la porte, je me trouvais face à une généreuse poitrine, découverte bien évidemment, et au sourire aguicheur de la propriétaire de ladite poitrine. Ne sachant où poser les yeux, je me fis violence pour la regarder dans les yeux.

_Sir, que puis-je pour vous en cette magnifique soirée ? chantonna-t-elle.

Je me raclais la gorge.

_Je cherche à voir Violet. Violet White.

Elle me jeta un regard suspicieux et foncièrement méfiant. Avais-je dit quelque chose de travers ? Il ne me semblait pas. Ses sourcils se froncèrent et elle perdit tout le charme avenant et les ravissants sourires qu'elle me servait la seconde d'avant.

_Hé bien sir, je suis navrée, mais il n'y a pas de Violet White qui travaille ici...

Sa mauvaise mine m'indiquait cependant le contraire.

_Je suis ici sur conseils de Lord Bridgewater... mentis-je.

Son visage rembrunit s'éclaira alors miraculeusement et elle s'esclaffa, soudain détendue. Je manquais de lui signaler que j'avais une vue splendide sur son repas de midi.

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