Chapitre 4 - London's Secrets

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Theodore




Le quartier de Bayswater était un havre de paix. L'on avait du mal à penser qu'un meurtre sordide avait eu lieu sur le pavé. Les lieux étaient d'ailleurs foncièrement différents au petit matin. La dernière fois que mes pieds avaient foulé ces larges trottoirs dallés, l'obscurité et le brouillard dense de la nuit m'avaient accueilli. L'atmosphère lourde et pesante avait trouvé son point d'orgue lors de la découverte du corps inanimé de Maybel Thomas, étendue et ensanglantée au beau milieu de la rue.

Dans la grisaille et la brume matinale, les maisons s'éveillaient à peine et seules quelques fenêtres allumées témoignaient que les habitants étaient encore en vie. Probablement des couche-tard ou des lève-tôt. Les rues désertes résonnaient des cris lointains des autres ruelles de la citée qui elles devaient être réveillées depuis bien longtemps déjà. Le travail n'attendait pas, en particulier les basses-besognes qui demandaient aux ouvriers d'ouvrir les yeux bien avant l'aurore. Les poches et les tirelires ne se remplissaient pas toutes seules.

Dans les zones réputées du nord et de l'ouest de la ville, les habitants n'avaient pas ce genre de tracas. Riches héritiers ou propriétaires terriens issus de la noblesse, leurs poches à eux en revanche se lestaient bel et bien par magie. Aucun besoin de lever le petit doigt ou de poser les orteils au sol avant le lever du soleil. Pourquoi donc se lever tôt ? Je comptais bien profiter de leur état d'endormissement et de leurs yeux hagards encore remplis de sommeil pour tirer mon épingle du jeu et obtenir les réponses dont j'avais tant besoin. Si mes déductions étaient bonnes et qu'une maîtresse se promenait les soirs dans les rues de Bayswater avant de retourner se terrer dans son trou, je n'imaginais pas un seul instant que la totalité du quartier n'ait rien remarqué ou ferme les yeux. Ces choses là font jaser. Elles font parler, elles font jeter des regards noirs sur ses voisins en imaginant quelles horreurs décadentes se déroulaient derrière leurs murs. Car, puisqu'ils ne faisaient rien, il fallait bien occuper ces longues journées. Et quoi de mieux que les rumeurs pour accélérer la course de l'astre solaire ?

Notre cocher longeait tranquillement Hyde Park. Dans les grandes allées verdoyantes, aucune âme de déambulait. Je toisais les arbres un instant, presque convaincu qu'ils me diraient ce qu'ils savaient à propos de la fuyarde. Daniel m'avait affirmé qu'elle s'était échappée en escaladant les barrières du parc et en s'enfouissant dans l'obscurité des sentiers battus. Peut-être même avait-elle traversé la Long Water, un bras d'eau le lac artificiel coupant Hyde Park en deux.

À côté de moi, Sanders se triturait les doigts et se mordait les lèvres. C'était sa première sortie officielle en tant qu'homme de Scotland Yard. Je ne l'avais pas choisi par hasard. Son allure jeune et ses grands yeux noisettes naïfs pouvaient rassurer les personnes que nous allions interroger. Il inspirait confiance. L'on ne pouvait pas réellement dire la même chose de moi. Avec mon bon mètre quatre-vingt dix, mes cheveux sombres, mes yeux bleus perçants et mon air sévère, je n'apparaissais pas forcément comme le plus sympathiques des hommes. Cela avait ses avantages. Mais également ses inconvénients.

Notre cocher arrêta ses chevaux devant le 18 Craven Hill Gardens. L'adresse d'Isabelle Edgecombe, la dernière personne à avoir vu Maybel Thomas encore en vie. J'avais fait quelques recherches sur elle avant de venir ici. Une vieille femme respactable, épouse du notaire William Edgecombe. À la mort de celui-ci, mon tromper son ennui, elle avait ouvert un club de littérature pour femmes.

_Vous êtes prêt, Sanders ? lui demandais-je en ouvrant la porte de l'habitacle. J'espère que oui. Je n'ai pas envie de vous voir vous évanouir et de devoir ramener votre corps inanimé dans les bureaux.

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