Chapitre 2 - London's Vibration

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Theodore



Les journaux en avaient fait la une. La fille m'observait de ses yeux gris, à la fois vides et perçants. Des cheveux blonds encadraient un visage encore poupin. Aucun sourire n'ornait ses lèvres fines. Je croyais déceler dans ses prunelles une lueur de reproche. Le dessin devait être ressemblant. Mais moi, je ne la voyais que la gorge tranchée, du sang barbouillant ses vêtements trempés et salis par la boue. Puis, je me l'imaginais nue sur la table métallique de la morgue, la peau bleuie et le ventre ouvert avec le médecin légiste qui papillonnait autour d'elle, scalpel en main.


MEURTRE SANGLANT A BAYSWATER

Un corps sanglant et sans vie retrouvé !

Dans la nuit du 26 au 27 octobre 1871, le corps de la jeune Maybel Mary Thomas a été retrouvé dans la quartier de Bayswater, lieu résidentiel, calme et sûr de la ville. Âgée de dix-neuf ans, la jeune fille rentrait d'une soirée de son club de littérature en compagnie du valet de sa famille. Malheureusement, sur le chemin du retour, elle aurait fait arrêter le cocher pour retourner dans les appartements de Miss Isabelle Edgecombe pour récupérer son livre qu'elle avait oublié. Son corps sans vie a été retrouvé par un passant nocturne. On nous dépeint le crime comme étant d'une rare violence. Elle aurait été égorgée a l'aide d'une lame. Les policiers avouent leur inquiétude quant au manque de preuves et surtout l'absence de témoin oculaire.

Ce crime a-t-il un lien avec la série d'enlèvement qui plonge Londres dans la tourmente depuis ces dernières semaines ? Est-ce un meurtre prémédité et isolé ? Nous ignorons tout. Les habitants de Bayswater sont ter-


Dans un élan de frustration, je jetais le chiffon sans en avoir fini la lecture. Le meurtre avait eu lieu quelques heures auparavant. Nous étions arrivés sur la scène du crime alors que le corps était encore tiède et surprise, la presse était déjà là en masse. Je grimaçais encore de ma rencontre nocturne avec les journalistes avides de sang et les rédacteurs en chef de ces gazettes à scandales aimant les spectacles morbides. Je n'arrivais pas à comprendre comment le public pouvait se délecter de pareilles histoires et d'affaires aussi sordides. Si la victime avait été une prostituée des bas fonds ou une pauvre poissonnière, personne ne s'y serait intéressé. Pas même la police. On aurait jeté le meurtre aux oubliettes. En particulier si celui-ci avait eu lieu à Whitechapel où nous ne prenions même pas le temps de nous déplacer la plupart du temps. Cette zone de Londres était un lieu de non droit où les voleurs, les criminels et les assassins se repaissaient dans leurs propres vices.

Mais voilà, on s'attaquait ici à une petite bourgeoise dans un quartier tranquille. Saupoudrer le tout d'un peu de sang, d'une gorge tranchée et vous obtiendrez la parfaite recette pour faire rentrer des livres dans vos poches. L'on dessinerait probablement la scène du crime dans les prochaines parutions, les cheveux blonds de la victime étalés sur le trottoir et sa gorge grande ouverte, le sang poissant ses vêtements trempés. Peut-être même reproduirait-on la scène du crime dans un des musées de cire de la ville. C'était à la mode, en ce moment.

Amer, je pris une gorgée de mon café au lait, typiquement écossais. L'enquête allait s'avérer corsée. Je le savais dans mes tripes. Et je n'avais pas besoin de ces imbéciles de reporters sur mon dos, à épier tous les faits et gestes de Scotland Yard. Ils ne ferraient que nous mettre des bâtons dans les roues. Et surtout, informer le meurtrier de nos avancements et de nos découvertes.

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