Ennemis

Chapitre 8

Chapitre 8 :

Bill s'éloignait, mais plus la distance se faisait entre lui et la maison du dreadé et plus il se sentait mal. Il ressentait partout dans son corps un tremblement incontrôlable, un frisson désagréable et une chaleur étouffante. Tout en ne sachant pas à quoi il devait ces sensations, il savait qu'elles étaient liées à Tom. Elles étaient identiques à ce qu'il avait déjà ressentit alors qu'il n'en subissait pas le mal insoutenable, maintenant il y goûtait et c'était pire et meilleur à la fois. La douleur était sienne, le rendant presque fou s'il se laissait à l'écouter, cependant la flamme qui brûlait tout son être était meilleure que tout ce qu'il connaissait. Il avait le sentiment qu'il ne faisait plus qu'un avec Tom, la conviction qu'il lui appartenait et c'était jouissif.

Il s'arrêta, laissant son esprit vagabonder. Il se tenait sur le toit d'un immeuble quelconque, regardant les étoiles et ne retenant pas sa respiration brûlante. Il autorisait chaque odeur à s'insinuer en lui, les connaissant et les découvrant à la fois. Il y avait l'odeur douce du bébé dans son lit en train de dormir. Il y avait celle de la jeune femme sous sa douche, délicieusement exotique. Il y avait celle de ce couple, s'embrassant alors qu'ils venaient à peine de faire l'amour, érotique. Il y avait l'odeur d'alcool et de fumée qui venait du bar juste en bas, se mêlant à l'odeur de sueur et de sexe.

Tout son corps était en éveil alors qu'il refusait de songer à Tom. Il la sentait au fond de lui, la douleur qui rongeait le corps du dreadé, plus intense et déchirante qu'il ne pouvait même l'imaginer. Il le voyait encore se tordre sur ce sol poussiéreux, gémissant et se crispant autant qu'il pouvait, tous ses muscles endoloris. Il entendait les pensées du dreadé, brouillons et désordonnées. Elles se mélangeaient dans sa tête, frappant parfois le brun par la violence des images, la souffrance des souvenirs. Il tentait d'isoler des faits, de comprendre des paroles et de distinguer certaines images qui s'imposaient à lui. Il vit une femme et entendit sa voix, elle était claire. Il pouvait même distinguer ces mots « L'enfant qui naîtra des deux mondes les sauvera, ou les anéantira par la force du Prince ». Ça n'avait aucun sens pour lui, il n'avait pas le temps d'y réfléchir d'avantage. Il entendit clairement Tom hurler, injurier et grogner.

« Putain de merde. Imprégnation à la con. Je suis qu'un idiot. »

Chaque parole semblait arracher un gémissement de douleur au dreadé. Il devait lutter contre cette souffrance qui l'assaillait de toute part et Bill pouvait éprouver ce qui terrassait Tom, ressentant dans son corps ce qui passait par celui du blond. Il avait cependant plus de mal à différencier ce qui venait de lui de ce qui venait de son ennemi.

« C'est quoi l'imprégnation Tom ? »

Demanda Bill à voix haute sachant pertinemment que Tom l'entendrait même s'il n'avait fait que le songer. Tom ne voulait pas répondre, il ne le devait pas. Il refusait de communiquer avec lui, mais il n'avait pas le choix, l'imprégnation rendait son don insupportable et tout ce que pensait le dreadé se retrouvait devant les yeux de Bill. Il grogna de rage, voulant faire sortir le brun de son esprit, échouant lamentablement. Il le devinait en lui, s'appropriant chacun de ses souvenirs, chacun de son savoir.

La vérité cruelle et froide s'imposa en Bill, implacable et redoutable. En l'espace de quelques secondes il venait de tout comprendre et Tom d'abandonner. Il avait perdu. Il cessa de lutter et laissa à Bill toute l'étendue de ses pensées. Il le laissa fouiller dedans, se prélasser dans ce qui était sa vie. Il l'autorisa à fouiner dans chaque recoin de sa mémoire. Tout ce qu'il était, tout ce qu'il savait, tout ce qu'il avait, Bill à présent le découvrait. Tom laissa simplement tomber chaque mur qu'il avait difficilement battit dans son cerveau pour se protéger.

Et Bill se vautra dedans, écarteler entre la peine et la haine qui habitaient Tom, l'amour trop faible, presque inexistant. Il avait une sorte d'intérêt malsain à le découvrir ainsi, intimement et contre son gré. Bill se sentait fort de son ascendant sur le dreadé et tellement vicieux que c'en était dégoûtant. Il aurait voulu arrêté, mais il ne cessa pas de lire en lui. Il y avait encore trop de chose qu'il ignorait, trop de chose qu'il voulait savoir. Il continua encore longtemps, sentant en lui une sorte de libération et de bien-être alors qu'il ne faisait qu'un avec l'esprit de Tom.