Chapitre 1 : Printemps

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" J'avais assisté impuissante à mon propre supplice "

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Je t'avais recroisé ce soir-là, une fois encore. Et j'avais tout juste su t'implorer d'un " pas ce soir " qui avait vainement résonné dans la nuit.

J'avais fermé les yeux, espérant de tout mon être effacer cet énième cauchemar. Je m'étais tournée et retournée encore et encore dans l'édredon, pensant ainsi te repousser, toi, mon insatiable démon.

L'air froid avait fait irruption dans la pièce, une nuée d'oiseaux ravageurs avaient virevolté dans ma chambre, la langueur m'avait gagnée.

Je m'étais métamorphosée, sciemment, avais assisté impuissante à mon propre supplice.
Des étincelles avaient irradié mon corps, la chaleur s'était progressivement amplifiée jusqu'à devenir insoutenable. Et j'avais compris qu'il était trop tard. La souffrance me modelait à sa guise, me façonnait à son image. Par les fils aux bouts desquels elle me tenait, s'attardait, abusait de mes faiblesses, se sidérait de mes prouesses.

Je ne luttais pas, je ne luttais plus, je me savais déjà perdue.

Ces souffrances qu'elle m'infligeait, cette solitude et ce cœur en lambeaux dont elle se moquait bien n'appartenaient qu'à elle.

J'étais dans la crainte constante de son retour. Et ça me détruisait.

Je me réveillai en sueur, le visage décomposé. Il me suffit seulement de quelques secondes pour comprendre ce qui se tramait. J'avais recommencé. Encore. C'était devenu une habitude chez moi. Une habitude effroyable que j'étais bien en peine de gérer.

Cela faisait bientôt un an que des cauchemars maraudaient mes rêves, m'empêchant d'oublier, ne fut-ce qu'un instant, le drame qui pesait sur mes épaules. J'avais tout de même naïvement cru, après quelques semaines d'étrange calme, que je pourrais poursuivre sans eux. Mais je venais d'avoir la preuve qu'ils étaient toujours là et ne me lâcheraient pas.

Je tentai sans résultat de me rassurer. Mes soubresauts ne firent que croître.

" Combien de temps encore, survivrais-je à tout ça ? "  me demandais-je tout bas. Je ne savais même pas.

A la mort de mes parents, j'avais changé du tout au tout. J'avais péniblement continué à vivre sans eux et j'en souffrais tellement que chaque jour, il me fallait me remémorer de tout ce que j'avais perdu.

J'avais repoussé une à une les personnes que j'aimais. Leurs départs m'avaient tristement laissé indifférente. Leurs misérables dites bonnes intentions m'avaient lassé. J'avais voulu y croire, au départ, mais j'avais rapidement saisi que je n'avais pas besoin de leurs généreuses présences et encore moins de leur pitié.

Me retrouver seule avait ainsi été un véritable bonheur. Et c'était avec un soulagement immense que je m'étais terrée dans ma chambre, de longs mois. Mais ils m'avaient rejoint. Et depuis, j'en étais réduite à ça.

Quand j'entrevoyais mon visage dans les vieux albums photos, je ne pouvais que constater à quel point mon changement avait été radical. J'étais devenue si pâle et frêle. Plus aucune vie n'émanait de mon visage torturé, ne transparaissaient que mes maux. Et effectivement, je m'étais comportée tout ce temps en victime, reposée sur ce titre sans avoir le courage de faire un quelconque effort. Ainsi confrontée à mes échecs, je me récriais inlassablement que c'était trop tôt, qu'il me fallait du temps.

" Somehow, I would know " [ VERSION FINALE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant