Chapitre 3 - Vic

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J'avais installé Archy sur le canapé du salon, bloquant Jasper dans la cuisine. Ces deux-là n'étaient pas faits pour s'entendre, j'en étais certaine. Après avoir éclusé une demi-boite de mouchoirs en papier, Archy retrouva un semblant de calme. Je décidai de lui servir un petit verre de whisky, histoire de finir de le détendre. Dès qu'il l'eut vidé, cul sec, grincheux retrouva tout son mordant et était prêt à en découdre. Courageux le bonhomme. En règle générale, dans le quartier, on évitait de me marcher sur les escarpins. Ici, j'étais plutôt connue comme la voisine, propriétaire d'une société de sécurité, dépositaire d'un permis de port d'arme, et pratiquant le krav maga depuis presque 17 ans. Bref, les voisins évitaient de trop me contrarier ! Mais ce soir, Archy avait toutes les audaces. Ses bajoues flasques tremblaient de colère et d'indignation retenues.

— Vous! commença-t-il en me pointant du doigt, vous et votre sale gamin !

STOP

Ça fallait pas. D'accord, James n'était pas un enfant de chœur. Mais c'était le mien. Mon loulou. Mon fils, ma bataille. Un gamin beau, merveilleux, et intelligent. Je lançai un regard d'avertissement à Archy pour lui signifier que le terrain devenait glissant pour ses jambes de sauterelle, mais il n'en eut cure.

— De toute façon, poursuivit-il, qu'est-on en droit d'attendre d'une femme de votre espèce, qui se fait faire un gosse sans père pour l'élever ! C'était couru d'avance que l'on allait à la catastrophe, éructa-t-il d'un air dédaigneux.

Sur le coup, j'envisageai de lui démonter la tronche à grands coups de pied, puis de lui vider le chargeur de mon Glock dans le buffet, pour finir par donner ses restes à Jasper. Bon d'accord, ce que disait Archy n'était pas totalement faux. J'avais eu James à 21 ans. Quant à son père, j'avais jugé son implication dans ma vie et celle de mon fils superflue.

— Bien ! Écoutez Archy, soupirai-je, j'ai eu une semaine compliquée, et j'ai encore beaucoup de travail ce week-end. Je suis désolée que Meryl vous ait quitté, mais franchement, vous entendre débiter des âneries sur James, c'est au-dessus de mes forces. Alors, soyez gentil, trouvez-vous quelqu'un d'autre à embêter !

— Mais vous êtes stupide ou vous le faites exprès ? répliqua-t-il.

— Archy, vous commencez à me chauffer les oreilles. De quoi parlez-vous, bon sang ?

— Je vous parle de ma femme et de votre fils, qui couchent ensemble ! Voilà ce dont je vous parle !

Sur le coup, j'oubliai de respirer pendant quelques secondes. La mine d'Archibald, satisfait de m'avoir cloué le bec, me ramena vite fait à la réalité.

— Mais enfin Archy, Meryl a 40 ans ! Elle et James ! Vous êtes tombé sur la tête ?

— Ah ah ! Ça vous la coupe hein ? Non, je ne suis pas tombé sur la tête. Ce p'tit con se tape ma femme...et elle veut me quitter maintenant. Oh, je sais bien qu'elle me trompe régulièrement, avec tous les hommes du quartier. Mais jusqu'à présent, jamais au grand jamais, elle n'avait parlé de partir. Et hier, ajouta-t-il en éclatant en sanglots, elle a fait ses valises et elle est partie à l'hôtel.

J'essayai de digérer les infos qu'Archibald venait de me balancer à la figure. James, mon fils de 19 ans, mon tout petit, mon bébé, la chair de ma chair, couchait avec Meryl Lancaster, 40 ans.

Meryl, qui dirigeait la chorale du quartier à Noël.

Meryl, qui organisait tous les ans le barbecue officiel du 4 juillet et son concours de tartes aux pommes.

Meryl, qui aidait les mamans pas douées à confectionner les costumes pour Halloween.

Meryl, la femme d'Archy, mère de deux garçons de 14 et 16 ans.

Péniblement, je repris la parole.

— Mais enfin Archy ça n'a pas de sens. Je veux dire pourquoi ... pourquoi après James ? Alors que vous le dites très bien, Meryl est assez ...hum...accueillante. Non Archy, mon fils ne peut pas être à l'origine du départ de Meryl. Je suis sûre d'une chose, c'est qu'il y a une autre explication.

À vrai dire je n'étais plus sûre de grand-chose.

— Ah mais moi j'en suis certain ! rétorqua-t-il. Elle m'a dit : " Archy, je pars, je te quitte " ! Et quand j'ai demandé pourquoi, elle m'a répondu " parce que j'ai rencontré un homme qui me fait jouir. Il s'appelle James De Lormey et je l'aime ".

Eh ben, on n'était pas dans la merde !


Les Glock sont une série de pistolets fabriqués par l'entreprise autrichienne du même nom. Ils sont considérés comme les armes de poing les plus fiables au monde.


On the road with you (sous contrat Chez ÉDITIONS ADDICTIVES)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant