Je ne sais pas si vous connaissez, mais il existe un jeu de cartes qui s'appelle Dixit. Non seulement c'est amusant, mais en plus les cartes sont très belles.
L'autre jour, j'ai eu envie de jouer, mais je n'avais personne pour faire une partie. Alors, j'ai tiré des cartes au hasard et j'ai écrit une histoire pour les relier les unes aux autres.
C'était pas spécialement un défi, mais ça a donné quelque chose de censé, alors je vous le fait partager !
Bonne lecture !__________________________
La vague frappait le sable blanc. L'immensité des mers s'offrait à lui, à perte de vue. Il s'assit un instant sur la plage. Ses jambes, trop courtes pour sa carrure, lui faisaient mal. Sa barbe était sale, sa chemise mouillée de sueur. Il revoyait la grotte, la grotte avec ses merveilles.
Toute sa vie, il avait miné du charbon. Blanc comme un nourrisson, il descendait tous les matins, et tous les soirs, il remontait aussi noir que l'ébène. Il avait mal au dos, il avait mal aux reins, mais il devait descendre, il n'avait pas d'autre choix. Sa femme travaillait aussi dur que lui pour payer le loyer, pour qu'ils puissent manger, pour que leur fils aille à l'école. C'était dur, mais c'était simple. Gagner de l'argent, pour dépenser de l'argent. Gagner de l'argent, pour dépenser de l'argent. Il aurait aimé en dépenser plus, mais il ne pouvait pas en gagner plus. Les jours s'écoulaient, interminables, identiques, heures après heures, jours après jours, années après années.
Et puis un jour, le sablier s'était cassé. La fissure, il l'avait sentie, mais elle n'avait rien changé, au début. C'était dans l'air, quand il prenait l'ascenseur, c'était là, dans la salle de bain, devant sa table, dans son lit, à côté de lui, toujours présente, la déchirure.
Mais lui, puisqu'il ne la comprenait pas, il la laissait là. Le sable sur lequel il se trouvait devait atteindre le fond, toucher le verre, avant qu'il ne se fasse lui aussi absorber par la fissure de l'éternité. Il descendait au fond du puits tous les jours, blanc comme un nourrisson, noir comme l'ébène. Il frappait dur sa pioche contre la terre ingrate et il n'espérait rien, car il ne pouvait en être autrement. Il ne pouvait en être autrement. La fosse qu'il creusait ne pouvait recéler aucun trésor, aucune salvation. Il le savait parfaitement et c'est pour ça qu'il n'en n'attendait rien, absolument rien.
Autour de lui, les gens semblaient disparaître, sans qu'il l'eût remarqué. Certains mourraient, d'autres partaient et bientôt, il ne resta plus que lui pour descendre dans la mine et remonter le charbon. Aucune question sur cette étrange situation ne semblait vouloir lui venir. Avant, il avait les autres, maintenant, il était seul, qu'est-ce que ça changeait ?
Et puis un toc se fit creux. Ni la terre ni la roche ne sonnaient jamais creux. Elles sonnaient toujours plein. Il creusa, creusa de toutes ses forces, de toute sa vie, pour déblayer. Derrière, c'était l'air. D'un coup, il tomba. Les deux genoux dans la poussière, les yeux rivés sur la montagne d'or qui se trouvait face à lui. Haut, très haut, au fin fond de la caverne, entrait un rayon de soleil qui faisait briller le métal. Il admirait ce spectacle sans s'en lasser. Cet or, c'était peut-être le fruit de la déchirure. Peut-être était-ce, au contraire, le trésor d'un dragon, dont les ailes de pourpre et les cris de flammes, avaient préservé si longtemps cet or des mains humaines. Il imaginait le reptile géant cracher pour la dernière fois une flamme féroce entre les continents, se battre pour l'amas de son gain, sans que personne pour autant ne veuille le lui dérober.
Il savait ce qu'il était supposé en faire, de cet or. L'argent, il venait d'en trouver assez pour oublier sa signification. Son reflet brillait d'un éclat merveilleux et magique. Le hasard - ou était-ce la déchirure ? - l'avait poussé là, dans ce creux. Était-ce pour en ressortir ? Il ne savait pas quoi faire.
Alors, il remonta. Il vit sa femme, il l'embrassa. Dans ses bras, il serra son fils trois fois et assis en tailleur, il demanda conseil aux dieux. Il lui dirent simplement : "Va à la plage chercher ton argent".
Et maintenant, assis dans le sable, la face secouée par le vent, les embruns de la mer plein les narines, il sut ce qui s'était brisé.
C'était la ligne du temps.
- Je suis libre, dit-il en pleurant.
Et il renonça à l'argent.
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Des tiroirs qui débordent
Short StoryVous n'avez que deux minutes pour lire ? Ça tombe bien ! Des fois, on tombe nez-à-nez avec des histoires très courtes ou des défis à relever et comme je ne veux pas parasiter mes autres histoires avec des interludes intempestifs...