Des tiroirs qui débordent

Anton

Aller, pour fêter l'été, un petit récit frais !

J'ai relevé le dernier défi de la  @WPAcademy, à savoir écrire un texte sans participe présent ni proposition relative ("que", "qui"... ce genre de trucs). Je mentirai si je disais que ça a été facile. Mais c'était très intéressant de se forcer à chercher de nouveaux moyens d'expression !

Cette nouvelle ne me satisfait pas sur plusieurs plans alors n'hésitez pas à laisser un commentaire pour me dire ce que vous en pensez ! :)

___________________________________________

Anton était simplet. Il n'était pas idiot, ni simplement naïf ; il aplanissait les courbes de la réalité pour les mettre à sa portée. Il voyait parfaitement tous les dangers de l'existence mais il n'avait aucune mauvaise pensée pour ces malheurs en puissance. Il avait grandi tranquillement dans un petit village perdu au fond de la forêt sacrée. Malgré sa simplicité, tout le monde aimait Anton et personne ne lui reprochait les quelques lenteurs de sa réflexion. À un certain point, il était devenu le benêt du village, le bon à tout faire. Il resterait toujours, au fond, leur sympathique simplet. On lui confiait les tâches les plus ingrates, ou les travaux les plus durs et il s'y attelait toujours avec le sourire, content de se dire : « J'éviterai cette peine à quelqu'un. » De jour comme de nuit, pour résoudre n'importe quel problème, il suffisait d'appeler Anton. C'était tout simple.

Vint un jour où une affreuse ogresse, géante dévoreuse d'enfants, attaqua le village. Elle dépassait de loin le toit des petites chaumières et, à mains nues, elle était capable de terrasser cent hommes. Malheureusement, personne n'était équipé pour se battre et il fallut subir une lourde défaite. Beaucoup de ceux qui avaient voulu se défendre y laissèrent leur vie et l'ogresse repartit avec un très bon butin. Dans un grand sac de toile, elle emporta tous les enfants du village et elle n'en n'oublia aucun.

Anton, comme tous ses voisins et amis, fut impuissant à empêcher ce malheur. Un conseil extraordinaire eut lieu et tous les survivants s'y présentèrent. On pleura les enfants et on organisa les funérailles des disparus ainsi que la reconstruction du village. C'est au milieu des pleurs qu'Anton se leva et dit :

— Je ne la laisserai pas faire ! Ce sont nos enfants !

Anton n'avait pas d'enfant à lui, mais, au village, ils partageaient presque tous leurs parents. Chacun des villageois aimait l'étincelle d'avenir logée dans leurs petits yeux brillants.

— J'irai dans la forêt. Je suivrai les traces de l'ogresse et je ramènerai les enfants. C'est un serment.

Les villageois restèrent un instant plongés dans un profond silence. La légèreté d'Anton ne pouvait le pousser jusque là ! c'était complètement ridicule !

Mais face à son air déterminé, à cette adorable colère totalement inutile contre cet inhumain fléau, toute l'assemblée sombra dans un rire sans fin. On se tenait les côtes et on répétait encore et encore : « C'est un serment ! » Le poids du deuil les faisait rire encore plus fort car Anton jurait simplement de ramener les enfants du pays des morts.

Alors Anton les laissa rire. Sans se vexer, sans s'énerver, il rentra chez lui, prit son bâton de marche, remplit son baluchon de quelques provisions et, avant de partir définitivement, il revint mettre un peu de calme au sein de l'assemblée, toujours victime de son hilarité. Il monta sur l'estrade et déclara d'une voix forte :

— Je pars ! Je pars et je ne garantis pas mon retour. La forêt est un endroit bien trop dangereux, bien trop magique, pour s'y aventurer sans courage. Je ne sais pas exactement où mes pas me dirigeront, je sais même s'il y aura un chemin. Peut-être vais-je mourir en route. Il n'y a qu'une chose dont je suis sûr : les enfants doivent être sauvés. Travaillez, reconstruisez le village et surtout n'oubliez pas d'avoir d'autres enfants, au cas où nous ne reviendrions pas. Ne perdez pas votre temps à venir nous chercher. Les enfants sont ma responsabilité.