La chasse est souvent plus intéressante que la proie elle-même

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Cela faisait deux semaines maintenant que je m'étais échappée. J'avais retrouvé mon village délabré. Il n'en restait que des ruines fumantes, des restes de charpentes calcinés et aucun survivant. Je ne savais pas ce qu'étaient devenus les gens de mon village qui avait réussi à s'échapper ni ceux du marché aux esclaves. J'avais récupéré ici et là des objets qui avaient miraculeusement survécu. Une vieille casserole qui fut bleue autrefois, désormais noircie par les flammes, une caisse en fer, une table aussi en fer. Perdu entre les collines verdoyantes, mon ancien foyer offrait un triste spectacle. Je soupirais. C'était un rappel cruel de la dureté de la vie. Dans dix ans, il disparaîtrait et la nature reprendrait ses droits et dans cent ans, il n'y aurait plus aucune trace de notre vie ici.

Je sortis rapidement du village, les fantômes du passé me faisait froid dans le dos. Je rejoignis rapidement les grottes dans lesquelles je m'aménageai un abri. C'était précaire mais cela me suffisait pour l'instant.

Alors que je préparais le feu, j'entendis un bruit dehors. Puis une voie prononça mon nom, doucement, comme s'il craignait de se faire repérer. Je m'approchais lentement et je restais ébahie de le voir là. Mon meilleur ami, Élias, depuis ma plus tendre enfance. Je restais ébahie de le voir là, puis lui sautais dans les bras. Voir un visage familier était réconfortant.

Il nous fournit dans les jours à venir des armes qu'il avait découverte dans une cache laissée par les rebelles dans les bois. A deux, nous nous organisions, cherchant des vivres, du bois. Une forêt était pleine de vie lorsqu'on la connaissait suffisamment. Et la présence de quelqu'un rendait la situation presque supportable.

Mes forces physiques s'étaient réduites durant ma capture aussi je m'infligeais tous les jours un entraînement draconien. Je retrouvais mes repères, trouvant du réconfort dans la routine que nous nous étions installés avec Élias. Néanmoins, je restais toujours abattue, lorsque je pensais à Martha, à cette jeune fille sur l'estrade et à toutes les souffrances que j'avais observées autour de moi. J'avais l'impression de me sentir inutile, incapable de changer quoi que soit à toute cette douleur.

De plus, la menace de la sangsue pesait toujours sur moi, restant très présente dans mon esprit. Il obnubilait mes pensées sans que je ne sache pourquoi.

Alors que je ramassais du bois pour réchauffer la grotte, tous les oiseaux se turent tous d'un seul coup. La forêt, si vivante habituellement devient silencieuse. Plus un sifflement, plus un bruissement de feuille. Une chape de silence s'était déposée sur la forêt toute entière.

Une seule explication à cela, un prédateur, un énorme prédateur, était arrivé. Un prédateur assez gros pour faire peur à la forêt entière : un vampire. J'espérai fugitivement voir arriver le maître espion, après tout il n'avait jamais montré la moindre envie de planter ses crocs dans ma gorge puis me repris. Un bon vampire était un vampire mort. Qui qu'il soit, je ne pouvais rester là et courir le risque qu'il m'aperçoive. Je me dirigeais silencieusement vers la grotte, récupérer un arc en bois. Puis, doucement, je me glissai entre les arbres, bandant mon arc. Les flèches étaient enduites de la sève d'un des arbres de cette forêt, un arbre toxique, très courant dans la région, mais qui pouvait empoisonner les vampires et les paralyser. La nature nous avait donner le moyen de nous protéger des envahisseurs. Le poison n'était pas fatal et seul l'argent pouvait tuer ces monstres mais cela les ralentissait suffisamment pour que j'ai le temps de dégainer un poignard... et de les tuer.

Cette forêt était ma forêt, mon terrain de chasse. Ce vampire avait eu tort de pénétrer ici. Je m'immobilisais, un sourire glacial aux lèvres. Mes instincts revinrent et je me figeai et fermai les yeux, écoutant le silence qui s'était fait dans la forêt. J'isolais, les bruits appartenant à mon environnement habituel comme celui du vent et me concentrais sur les autres. Le silence n'était pas tout à fait parfait. Devant moi, à environ 500m, j'entendais une respiration. Il était beaucoup plus proche que ce à quoi je ne m'attendais. Je perçus aussi un souffle derrière moi et souris. Élias avait lui aussi remarquer l'appel silencieux de la forêt. Je rouvris les yeux et me mis en chasse, me coulant le long des arbres, tel un doux murmure. La forêt comptait un prédateur de plus.

Je l'aperçus soudain, au milieu d'une clairière. Il se tenait droit et humait l'air. Son odorat étant plus développer que le nôtre, il avait dû percevoir mon odeur mais je ne lui donnerai pas la chance de m'attaquer en premier. Je tendis mon arc et le mis en joue. Il se tenait droit et, bien qu'il me cherchât, il ne m'avait pas encore aperçu. J'approchai la corde de sa joue.

C'est alors que le vampire se retourna. Nos yeux se rencontrèrent et ses yeux noirs me captivèrent. L'espace d'un instant je me perdis, désarçonnée par ses yeux qui me captivait. Ma main hésita sur l'arc, le faisant momentanément retomber un peu, je sentais des larmes me brûler les yeux. Je n'avais aucune idée de la façon d'expliquer ma réaction à ce moment-là, mais je ne réussissais pas à reprendre le contrôle. Je ne pouvais détacher mes yeux de lui. Il était à couper le souffle, il était magnifique, et il était là. Il était venu me chercher. Je tendis l'arc, mais mon bras, mes doigts étaient crispés sur la flèche et je ne pus me résoudre à la lâcher. Quelque chose m'empêchait de le tuer.

Il m'observait calmement. Je pouvais cependant voir la tension de sa mâchoire et de ses larges épaules. Je pouvais le sentir dans la rage qui émanait de son corps tendu. Je ravalai avec difficulté, l'appréhension s'empara de moi quand je réalisai qu'il était vraiment hors de lui. Mais cette fureur n'était étrangement pas dirigée contre moi. Elle était dirigée contre Élias qui se tenait maintenant à mes côtés. Celui-ci attendait que je tire, tenant lui aussi le vampire en joue. Plissant les yeux, je serrai la mâchoire et relevai à nouveau mon arc, le pointant droit sur son cœur froid et mort. Oui, il était finalement venu me chercher, mais il semblait évident que l'un de nous deux ne repartirait pas de cette rencontre sur ses deux pieds. Et ce ne serait pas moi.

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Links l'observa longuement. Il avait presque oublié à quel point elle était époustouflante. La forêt prenait vie avec elle. Mais bien que les bois soient beaux, ils n'étaient rien comparés à elle. Son visage était plus mince et plus déterminé que l'a dernière fois qu'il l'avait vu sur cette estrade. Ses yeux étaient d'un bleu saphir chatoyant, et rivalisaient avec le beau ciel derrière elle. Il y avait une sagesse mature qui émanait de son regard, un air de défi. Il avait déjà remarqué cette lueur dans les yeux de nombreux résistants.

Il ne savait pas ce qui lui était arrivé durant les quatre semaines qui s'étaient écoulées, mais elle semblait plus âgée, plus fatiguée et paradoxalement bien plus belle qu'elle ne l'était dans ses souvenirs. Ses cheveux se balançaient au-dessus de ses épaules, l'humidité les rendant plus sombres que leur normale couleur auburn ardente qui l'avait d'abord captivé. Elle était bien plus propre à présent que la première fois où il l'avait vue, mais elle arborait à nouveau ces hideux vêtements masculins. Bien qu'elle soit plus mince qu'il ne l'aime, il ne pouvait nier sa simple et douce beauté.

Il vit les émotions qui traversèrent son visage. La rage, la détermination, et étonnement, il crut y percevoir une pointe de fragilité. Mais elle s'évanouit si rapidement, qu'il n'était même pas sûr de l'avoir vraiment vue. Il vit sa main hésiter sur l'arc qui se baissa. Son âme.... il était normal qu'elle hésite à le tuer. Le lien qui les unissait l'en empêchait même si elle n'en avait pas conscience. Derrière elle, il vu alors apparaître un garçon. Il se redressa et serra la mâchoire. Sa soif de sang se réveilla. Il avait envie de tuer. Un grognement sortit de sa gorge. Personne ne la touchait, elle était à lui.

Lien de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant