La vie n'était pas facile, les temps peu indulgents avec nous. Lorsque naquit notre deuxième enfant, une petite fille aussi belle que sa mère, nous eûmes un hiver particulièrement froid et un printemps très capricieux. Résultat, il fallait chasser deux fois plus pour survivre et nourrir les siens.
Je devais partir régulièrement avec les hommes du village pourchasser les troupeaux de cerfs et de sangliers qui s'enfonçaient encore plus dans les bois. Je délaissais à regret ma famille afin de subvenir à ses besoins.
Je me souviens d'une chasse particulièrement difficile dans les bois obscurs de la Morvandelle. Ces lieux sont emplis de légendes et de créatures mystérieuses. Pour rien au monde, nous y aurions mis les pieds. Malheureusement, poussés par le besoin, et par la faim,nous finîmes par y entrer.
Dès l'entrée dans les sous-bois, nous sentions l'épaisseur de l'air. D'un vent frais et sec, nous passions à une atmosphère immobile et très humide. J'avais beau être brave, ce changement provoqua chez moi une alerte qui me poussait à fuir. Je n'en fis rien et lorsque je regardais mes trois compagnons de fortune, je voyais aussi leur hésitation. Donc, je fis le premier pas et m'avançai.
Composée de chênes, de hêtres et de sapin, la forêt arborait cependant une santé à faire pâlir les druides. Je me sentais plein de respect envers ses lieux. C'était comme si la forêt était douée de vie propre. Nous devions faire attention à chaque pas de ne pas trébucher.
– Regarde, juste là !
Un de mes compagnons finit par me signaler une piste empruntée par du gros gibier.
– Enfin ! Nous n'allons peut-être pas repartir le ventre vide finalement.
Les traces de sangliers et de lièvres semblaient fraîches. Nous suivîmes donc la piste lorsque nous croisâmes le plus grand des sangliers. Il était proprement gigantesque. Il devait faire pas loin d'une tonne. Il aurait pu raser le village d'une simple course. Il avait un pelage grisonnant et j'aurai bien été incapable de dire quel âge il avait.
Prudemment, nous fîmes un long détour pour retrouver la piste moins d'une lieue plus loin. Je fis signe aux autres de se taire, de peur de réveiller le monstre, qui devait être un mâle dominant.
Quelques minutes plus tard, nos cœurs battant la chamade à chaque branche qui craquait uniquement pour rompre le silence, nous tombons sur une horde. Quasiment une quinzaine de bêtes. Nous décidons d'en tuer uniquement deux afin de pouvoir les ramener à la maison.
Quelques instants plus tard, l'un de mes compagnons entra dans la clairière afin d'effrayer la horde et l'obliger à se disperser. Le but avouer étant de ne pas subir de riposte de la part des animaux acculés.
Tout se passa parfaitement bien jusqu'au moment où un sanglier appartenant aux plus gros de la meute chargea
, une fois le plus faible isolé.
Même si le plan était de nous réfugier dans un arbre, l'un de mes compagnons rata une branche et se retrouva à la merci de l'animal sauvage. J'encochais alors une flèche et visait le flanc de la bête, touchant ma cible du premier coup.
Cependant, je n'arrivai qu'à rendre le fauve plus énervé, si cela était possible. Mais le chasseur piégé parvint à profiter de la diversion pour se réfugier dans un autre arbre, plus solide et plus accessible. Une fois assuré de sa sécurité, je me reportais sur ma cible. Celui qui avait pris ma première flèche en faisait partie,mes compagnons l'achevèrent. Je me chargeais du second.
Une fois la horde dispersée et après s'être assurés de pouvoir descendre en toute sécurité, nous adressons une prière à la Nature de pourvoir à notre survie. Bien chargé sur notre dos, par deux, nous reprîmes le chemin du village. Nous fîmes évidemment un long détour pour éviter le monstre dans la clairière croisé à l'aller. Mais, malgré cela, je ne me sentis du tout à l'aise, comme observé.
Ce fut l'unique fois que je vis ce monstre. Je suis retourné peu de temps après au même endroit, mais jamais il n'apparut, ni à moi, ni aux autres. Qu'importe nous avions de quoi survivre quelques jours de plus.
Cette année-là, nous perdîmes presque la moitié des enfants en bas-âge et presque tous les anciens. Nous avons tellement priés les dieux pour que cela s'arrête ! Heureusement, les fleurs des fruitiers survécurent et nous pûmes faire une réserve conséquente. Cependant, avec l'envol du prix du sel, nous n'avions presque plus rien à échanger. Nos bijoux et nos vases furent les premiers à partir, puis nos habits de fêtes.
Mais cela nous importaient peu et jamais je n'entendis Allaina se plaindre de cela. Je m'émerveillais chaque jour de la voir sourire alors que nous ne savions pas si demain nous aurions de quoi nous nourrir. C'est uniquement grâce à elle que j'ai confiance en la vie. Sans elle, je n'aurais jamais tenu aussi longtemps.
Le temps finit par rentrer dans un rythme plus en accord avec la norme et nous pensions nos péripéties achevées. Nous nous trompions.

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Camulogène
ParanormalIl y a bien longtemps, alors que la Gaule était encore gauloise, vivait un homme, comme tant d'autres à l'époque: il grandit, et fit sa vie au rythme des saisons. Mais cela ne devait pas durer. Car Rome a de grandes ambitions, et celle qui touche ce...