Le chemin inverse s'enclencha. Alors que nous allions jusqu'alors toujours vers le Nord de la Gaule, nous fîmes simplement demi-tour. Presque sans préambule, d'ailleurs. J'en avais été presque surpris.
Les Romains étaient absolument ravis pour leur part de rentrer au pays. La douceur de Rome, des collines du Palatin, la peau sucrée des femmes romaines... tout cela, les soldats en parlaient lors des veillées autour du feu.
J'avais attiré l'attention d'un autre soldat, dans la garnison, qui s'intéressait à mon histoire. Je lui parlais des dieux, et lui m'apprenait le latin. Il m'était sympathique, pour un Romain. Il me parlait aussi de sa famille, de son enrôlement.
Il avait deux enfants, des jumeaux, rare chez les Romains. Un garçon et une fille. Et il me racontait, non sans fierté que sa fille était belle à tomber, comme sa mère, et que son fils était fort et vigoureux.
Il me ressemblait un peu. Père de famille, loin des siens. Même s'il faisait partie des gens qui avaient tué la mienne, de famille.
Nous marchâmes presque sans interruption pendant une lune et demie. La routine s'était installée au camp et se résumait à démonter le camp, marcher, prendre son frichti du midi, marcher, monter le camp et dormir. Bien heureusement, il faisait encore bon. Plus nous avancions, plus nous avions l'impression qu'il faisait bon. La nuit surtout.
Un soir, alors que nous campions près d'une rivière, dans le centre de la Gaulle, je sentis quelque chose de différent. Comme une sorte de présence. Étrange, divine, éthérée, presque. D'ailleurs, je compris vite à la tête que faisait le général que je n'étais pas le seul à sentir cette présence. Lorsque nos regards se croisèrent, il s'approcha.
– Sais-tu ce qui nous menace ?
– Ce que je sais, général, c'est que nous sommes dans des terres habitées par des esprits bien plus sauvage que par chez moi. Seuls les plus braves osent s'aventurer dans ces coins là. On dit que la terre est vivante.
– Vivante ? Comment ça ?
– On peut sentir sa chaleur émaner du sol.
Habitué aux thermes romains, il posa la main au sol, à l'ombre d'un rocher et constata en effet le prodige.
– Incroyable, murmura-t-il. Il y a donc de l'activité volcanique par ici... Nous dormirons au chaud cette nuit.
– Dormez armés, c'est la seule chose que je puisse vous conseiller. Moi, dans cette cage, je ne crains rien.... Bonne nuit !
Le général me fixa un long moment, probablement pour jauger si je plaisantais ou non. Et si tu te le demandes, ce n'était pas le cas, j'étais très sérieux. Un de mes amis était mort dans cette région. Il y était allé, convaincu de trouver le remède qui sauverait sa bien-aimée. Elle était atteinte d'une toux maligne, et aucun remède n'en venait à bout. On lui raconta que l'eau sortant des profondeurs de la Terre était pleine d'énergie vitale.
Mais jamais on ne le revit. Et sa bien-aimée mourut, sans lui à ses côtés.
J'avais vécu ça un peu de loin, et j'avais eu de la peine en ne le voyant jamais franchir à nouveau les portes de sa maison que nous avions brûlé pour lutter contre le mal.
Le général, ne sachant que penser, se leva et ordonna de doubler les tours de garde. Ma cage était solide et je pris bien soin de dormir en boule, bien au milieu. Pendant la nuit, j'entendis de nombreux cris. D'animaux et d'humains. De soldats terrorisés et agonisants.
Si bien que le matin, j'avais presque pas dormi et il était clair que le reste du camp aussi. Les premières lueurs pointaient à l'Est lorsque le général des armées romaines passa près de ma cage.
– Qu'est donc ce maléfice, Gaulois ?
– Je l'ignore. Une armée de mauvais esprits ? Une bête maléfique ?
– Tu l'ignores donc réellement ?
– Bien sûr. Je n'ai plus envie que d'une chose, c'est de partir d'ici. Je ne tiens pas vraiment à me faire dévorer vivant.
– Il y a juste un petit souci. Nous allons rester.
– Tiens donc, et pourquoi ?
Le général semblait gêné. Il finit par m'avouer qu'un des trophées acquis lors des batailles contre le peuple gaulois avait disparu. Je me permis un sourire.
– Un de chez vous ?
– Très probablement. Mais comme ça s'est passé en début de nuit, je me dis qu'il s'est fait très probablement avoir par les animaux. Et j'aurais besoin d'un pisteur. Tu sais chasser, non ?
– Attendez, vous êtes en train de me demander mon aide ?
Il y eu un moment de flottement.
– Oui. Une promenade en forêt, une quête.
Je pris le temps de la réflexion. Il fallait dire que j'avais une forte envie de dormir. Et laisser les Romains faire dans leur jupe en attendant le soir, c'était tentant, vraiment.
Une fois que je me fus délecté de cette possibilité, je finis par accepter. Après tout, ces soldats, ils étaient un peu comme moi : des pères, des frères. Si je pouvais les aider à rentrer chez eux en entier, puisque nous étions sur le chemin, je le ferai. Je n'étais pas ce barbare qui comptait laisser des innocents se sacrifier.
Je fis alors le tour du camp avec l'officier supérieur. Et, en effet, au Sud du campement, je découvris qu'une piste partait vers les bois. Nous la suivîmes pendant quelques centaines de pas avant de tomber sur un cadavre. Mais pas de relique. Je regardais mon compagnon de chasse.
– C'était un des manquants de ce matin. J'étais loin de m'imaginer qu'il avait volé l'objet.
– C'est quoi, d'ailleurs, cet objet ?
– Un bouclier, avoua-t-il sans hésiter. Il est censé procurer la vie éternelle à celui qui le porte.
– Visiblement, ça ne lui a pas vraiment profité, dis-je en regardant le corps déchiqueté.
– J'ai dit censé.
– Regardez, là...
Il y avait de drôles de traces, sur le sol. Elles s'enfonçaient encore plus dans les bois.
– Si vous aviez une arme, je suis preneur.
Il n'hésita pas une seconde lorsqu'il me tendit un glaive.
– Avançons.
Le général romain et notre prisonnier gaulois s'en vont à la chasse tous les deux ! Sur quoi vont-ils bien pouvoir tomber?
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Camulogène
ParanormalIl y a bien longtemps, alors que la Gaule était encore gauloise, vivait un homme, comme tant d'autres à l'époque: il grandit, et fit sa vie au rythme des saisons. Mais cela ne devait pas durer. Car Rome a de grandes ambitions, et celle qui touche ce...