Je considérai l'homme en face de moi d'un autre œil. Je me doutais qu'il avait souffert, c'était presque une évidence à la lueur qu'il avait dans les yeux quand il a commencé à me narrer son histoire, mais il y avait autre chose, à présent. Il semblait s'être redressé. Il semblait redevenir l'homme de ces moments-là. L'homme au cœur de l'action. Celui qui se battait pour défendre les siens.
– Vous-êtes vous vengés ?
– Il y a des tas de façon de se venger, mon garçon. J'en ai vu des vengeances, et crois-moi, à part laisser un vide terrible une fois réalisée, ça vous laisse bien seul. Imagine-toi à ma place, si ta femme venait à mourir. Ta fille aussi. Tu tues l'assassin. Et après ?
Je n'avais pas vraiment abordé la chose sous cet angle de vue.
– Tu vois ? Veux-tu entendre la suite de cette histoire.
Je hochais la tête, assis à présent en tailleur. Il faisait toujours aussi noir, mais, pour une raison étrange, je ne me souciais plus des potentiels démons ou bandits de la Cité. Ils ne m'importaient plus.
– Une fois que notre accord fut conclu, chaque jour durant, je m'entraînais. Mes bras, si cela était possible, devinrent plus forts, mon souffle plus puissant à chaque soleil qui se levait. Mes mains se faisaient aussi plus précises. Mais aucun moment dans nos confrontations quasi quotidiennes, il ne laissa échapper l'ombre d'une faiblesse. Il était le guerrier absolu.
Rien de ce que je ne pouvais faire ne le déstabilisait. Chaque coup avait sa parade. Chaque botte, sa contre-attaque. La colère, la concentration, l'acharnement, la stratégie, rien ne fonctionnait. Mais j'essayais sans relâche.
Lorsqu'au bout de deux mois, il me demanda si je souhaitais avoir un instructeur romain pour progresser encore plus vite, je refusais et l'envoyais aux enfers. Le combat ce jour-là fut tellement court et humiliant que je revins sur ma décision.
Le contrat était le suivant : une heure d'entrainement journalier au combat à l'épée avec les autres recrues romaines. Et en échange, ma promesse de parler aux tribus gauloises attaquées. De leur proposer la reddition plutôt que l'annihilation. Je dois avouer que je dus ravaler ma fierté, d'être utilisé par un Romain, mais ça en valait probablement le prix : le prix de vies gauloises.
Je passais donc la suite de ma vie, partagé entre mon désir de revanche et mes négociations avec mes compatriotes gaulois. Mon discours était sensiblement identique à chaque affrontement, mais pas une fois, il me félicita d'avoir convaincu le chef adverse d'avoir déposé les armes. Cela faisait partie de l'accord.
L'hiver passa et un soir, alors que nous étions plus au nord de la Gaule, cela me frappa. Nous avions passé le solstice d'hiver, la nouvelle année commençait. Nous avions une tradition à cette date, au village. C'était de faire offrande à nos dieux protecteurs. Pour les remercier de nous avoir protéger durant toute cette année. Et pour leur demander de le faire encore une fois cette année à venir.
Il était évident que j'allais avoir du mal à remercier les dieux cette année. Même le fait d'être en vie ne méritait guère qu'on les remercie. Cependant, je me devais de les remercier pour avoir goûté au bonheur de la vie familiale et maritale. De m'avoir confié la vie d'êtres vivants, même si ce fut trop court, de m'avoir permis de connaître ma femme.
Accroupi, ma gamelle devant moi, je priais les dieux en les interpelant par leur nom. Un à un. En plus d'accomplir mon devoir, cela me permettait de ne pas perdre mes racines. De me connecter à mes proches disparus et à mon ancienne vie.
Le commandant s'approcha, m'observant. Depuis plus d'un mois, il avait appris de nos échanges de nombreuses expressions si bien que nous pouvions communiquer presque sans interprète. De la même façon, j'avais assimilé de nombreuses locutions latines. Il avait l'air curieux.
Qui pries-tu, me demanda-t-il. Tes dieux t'ont abandonné.
Je prie pour qu'ils me donnent la force de vous battre, répondis-je avec calme.
Comment se passent les entraînements, à ce sujet, reprit-il, en changeant subtilement de sujet. Je répondis que ça allait. Dans l'ensemble, mais que je doutais que ça suffirait pour le battre. Il s'en étonna car, je le cite « Pourtant, il fut mon instructeur, alors que je n'étais qu'un légionnaire. C'est probablement un des meilleurs instructeurs que Rome connaisse aujourd'hui. »
Je gardais mon scepticisme pour moi. Qu'importait. J'apprendrais à chaque combat. Je battais déjà presque tous les légionnaires à qui il prenait l'envie de lutter contre moi. Lui serait le suivant sur la liste. C'est alors qu'il ajouta la phrase que je redoutais :« J'étais venu te dire que nous allions bientôt rentrer à Rome. Tu sais ce qu'il te reste à faire si tu veux rester en Gaule... »
Notre prisonnier Gaulois réussira-t-il a regagner sa liberté avant de quitter la Gaule définitivement?
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Camulogène
ParanormalIl y a bien longtemps, alors que la Gaule était encore gauloise, vivait un homme, comme tant d'autres à l'époque: il grandit, et fit sa vie au rythme des saisons. Mais cela ne devait pas durer. Car Rome a de grandes ambitions, et celle qui touche ce...