06 - La Proposition

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– Gaulois, te souviens-tu de moi ?

Il parlait dans un langage que je parvenais à déchiffrer et je le défiai du regard. Je m'interdisais de lui montrer que j'étais anéanti par la mort de mes proches. Par celle des gens que j'avais toujours connu. Et par la fin de ma vie tout court. Mais curieusement, ma propre existence m'importait peu à ce moment très précis.

Mon bourreau me fixait, toujours très sûr de lui.

– M'as-tu compris ?

Je hochais la tête, une fois.

– Bien. Je t'ai observé lors de la bataille. Et, malgré notre nombre écrasant, je t'ai vu te battre comme un lion. Même moi, qui voit des barbares dans ton genre tous les jours depuis des années, tu as réussi à attirer mon attention.

Je conservai le silence le plus obstiné qu'on puisse imaginer. Nos regards étaient rivés sur celui de l'autre et chacun attendait que l'autre baisse les yeux. Sans sourciller, il continua son laïus.

– Je te propose un marché. Si tu arrives à me battre à l'épée, moi, Caïus Quintus Amilius, je jure sur ma vie et mon honneur de te libérer. Mieux. Si tu arrives seulement à me désarmer. Qu'en dis-tu, barbare ?

La proposition était plus que tentante, je voulais rabattre son clapet à cet imbécile présomptueux. Facile de battre des guerriers avec de la poix et des flèches enflammées. Au corps à corps, nous valons largement les guerriers romains. N'importe qui, d'ailleurs.

Alors, je hochais la tête de nouveau. Je le vis sourire et me jeter une épée. Un regard panoramique me fit voir qu'il n'y avait pas un autre soldat qui s'occupait de nous. Ils vaquaient tous à leur activité, sans se soucier un seul instant de leur chef.

– Tu la ramasses, ou pas ?

Je m'exécutais. L'arme était légère et très équilibrée. Je fis quelques moulinets avec l'épée afin de me familiariser avec. J'avais un peu de mal à voir dans l'immédiat les avantages que fournissait cette arme.

– Prêt ?

Je tendis mon arme devant moi. Le visage de l'homme se figea et tout sourire finit par disparaître. Le guerrier avait fait place au beau parleur. Dans son attitude, je comprenais que ses soldats le respectaient. Mais je le battrai.

Il déjoua facilement mon premier coup. Aussi aisément le second. Je ne parlerai même pas du troisième tellement ce fut ridicule. Chaque astuce, coup fourré ou tentative finissait par un échec. Je n'en démordais pas mais un bout d'un trop long moment, je dus me rendre à l'évidence : l'envahisseur et assassin de ma femme était plus fort que moi.

Tout autour de nous, à force de coup d'épées et de parades, un groupe de soldats vint regarder l'affrontement. Lorsque je me rendis enfin, il dispersa les voyeurs et me renvoya dans ma cage et, après avoir rangé son épée, se mit à ma hauteur.

– Voici ce que je te propose. Demain, tu essaieras encore. Et encore. Et encore. Et si un jour tu réussis à me battre en combat singulier, tu gagneras ta liberté. Je te donne même le droit de demander un professeur. Sois un adversaire de taille et tu seras libre.

– Pourquoi ?

– Parce que je vois de la vaillance en toi. Je vois de la grandeur. Je vois que tu peux être avec ton obstination, le maître de Rome. Mais il faudra commencer par me battre, pour cela.

Il me laissa seul, loin de tout le monde et de l'agitation. Le sol de ma cage était dur et froid, mais peu m'importait. J'avais un but dans la vie. J'allais accepter sa proposition et le battre. Le tuer.



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