Chapitre 4 : Serais-je amoureuse un jour ?

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Bientôt trois mois. Bientôt trois mois que j'étais en couple avec Alexandre. Trois mois que nous vivions une relation basée sur la confiance, sur le respect, sur l'honnêteté, sur le partage, sur le désir, sur... Sur tout, excepté le plus important : l'amour. Je ne l'aimais pas. Lui, de son coté, était de plus en plus amoureux. Je le vivais de plus en plus mal. Je ne lui mentais pas pourtant, il savait très bien ce que je ressentais, ou plutôt devrais-je dire ce que je ne ressentais pas... Mais il ne m'en voulait pas, comprenais que je puisse mettre du temps à tomber amoureuse. Il y avait une seule chose qu'il ignorait, un seul questionnement que je n'osais pas évoquer avec lui, mais qui était de plus en plus présent dans mon esprit : serais-je amoureuse de lui un jour ?

Le souci avec ce questionnement, c'est que je possédais plus ou moins la réponse, et que cette réponse ne me plaisait pas. Alexandre m'attirait, c'était indéniable. Malheureusement pour lui, pour nous, les sentiments que je ressentais à son égard n'étaient pas assez forts pour être considéré comme des sentiments amoureux. J'étais bien avec lui, mais malgré tout, je n'avais pas l'impression d'être moi-même, bien que je ne trouvais pas encore d'explications à ce sentiment étrange. Un message de Julie, une soirée, ces simples évènements changèrent la donne.

« Manon, vient à la soirée chez un pote prévu la semaine prochaine ! Y'aura ton chéri en plus ... Prépare déjà les capotes, on se retrouve là-bas ! »

C'est ainsi que commença une soirée des plus mémorables. Peu de monde, pour une fois, seulement des amis proche de ma meilleure amie, mon copain avec son éternel sourire, et... La fille qui avait su me marquer dès notre première rencontre durant l'été. Eléa. Toujours aussi belle, toujours aussi gentille, elle était devenue une très bonne amie en l'espace de quelques mois. Peut être que son statut de « meilleure amie de mon copain » y était pour beaucoup, ou peut être étions nous seulement faites pour bien nous entendre. Quoi qu'il en soit, je passais la soirée à discuter avec elle à danser avec elle, à boire avec elle, et à éviter Alexandre.

Je commençais de plus en plus à être mal à l'aise en sa présence, comme si mon cerveau refusait de cautionner le fait que je puisse être en couple tout en n'étant pas amoureuse de la personne. J'ignorais comment agir avec lui, comment montrer une image de moi où tout allait bien, alors que c'était plutôt loin d'être le cas. Nous passions ainsi la soirée chacun de notre coté, comme deux amis normaux, et pas comme un couple.

Cela intrigua Eléa qui, le lendemain, vint me trouver dans la chambre où j'avais dormi avec Alexandre, qui était parti tôt à cause d'un déjeuner de famille le midi.

« Il se passe quoi avec Alexandre ma belle ? J'ai l'impression qu'entre vous deux, ça ne va plus trop... Vous étiez énormément distants hier, on aurait dit que tu le fuyais. »

Elle avait visé juste. Comme si soudain, la pression devenait trop grande à porter seule, j'eu envie de me confier à elle, de lui confier mes sentiments confus, mes doutes, mes peurs. Même ma meilleure amie ignorait une partie de ce que j'expliquai à Eléa à ce moment là. Elle m'écouta jusqu'au bout, sans rien dire. Elle n'avait rien besoin de faire, le seul fait de me confier à quelqu'un, de me confier à elle, m'apaisait déjà grandement. A la fin de mon histoire, elle prit soudainement la parole :

« Tu devrais lui dire... Lui dire vraiment ce que tu ressens, comme tu viens de le faire avec moi. Parce que je connais très bien Alexandre, et il a beau savoir que tu ne ressens pas encore d'amour pour lui, il a l'espoir que tu le sois un jour, ce qui est normal. Seulement, d'après ce que tu viens de me dire, il est clair que c'est loin d'être le cas, et que tu ne seras, très certainement, jamais amoureuse de lui. »

Clair, net, et précis. Elle avait parfaitement résumé la situation dans laquelle je me trouvais. Je faisais espérer un garçon formidable sur quelque chose qui ne se produirait peut être jamais. J'étais horrible. Comprenant que je commençais à broyer du noir, Eléa embraya sur un autre sujet. Pendant plus d'une heure, on parlait ainsi de beaucoup de chose. J'en vint alors à la question que je me posais depuis quelques temps déjà :

« Mais en fait... Il s'est passé quoi entre toi et Alexandre ? »

Elle me raconta alors leur courte histoire, trois semaines, une amitié trop forte, pas d'amour du coté d'Eléa, mais un Alexandre qui commençait à devenir amoureux, bien qu'il l'avait trompé pendant cette période avec une fille loin d'être belle. Je réalisai alors qu'Eléa était la personne la plus apte à me comprendre, puisqu'elle avait vécu exactement la même chose en sortant avec Alexandre.

« Et tu sais Alexandre m'aura d'ailleurs fait réaliser quelque chose... Enfin, je m'en doutais déjà avant, mais grâce à lui, j'ai vraiment compris ce que j'étais... Enfin, voilà quoi... » m'avoua-t-elle alors.

Etonnée, ne comprenant pas où elle voulait en venir, je lui demandais de m'expliquer plus en détails ce qu'elle insinuait.

« Je pense être bisexuelle. Ou du moins, pouvoir aimer les filles comme je peux aimer les hommes. En fait non, je crois que je ne peux pas aimer les hommes. Alex est le seul qui m'aura fait ressentir un petit quelque chose, mais je préfère largement le corps et l'esprit des filles. Oh mon dieu, t'es une des premières à qui j'en parle. J'ignore pourquoi j'ai fait ça... J'espère que tu n'as rien contre l'homosexualité ou quoi que se soit... »

Elle avait dit toute sa tirade d'une traite, à la manière d'un pansement que l'on arrache. C'était peut être le cas. Une blessure, une question qu'elle avait gardée trop longtemps cachée, et que maintenant que tout avait cicatrisé, elle avait décidé de l'enlever d'un coup. Mais dans mon esprit, cela ajouta une confusion. Je n'étais pas étonnée d'entendre cela, ni dégoutée... J'étais... En quelque sorte, j'étais comme heureuse d'apprendre ça. Etrange, comme réaction, mais je ne m'attardais pas plus sur ce que je pouvais bien ressentir, commençant par éprouver l'envie de la rassurer que je ne la rejetterai pas après qu'elle m'est avoué son orientation sexuelle.

Deux jours plus tard, je dormis chez Alexandre. Toute la nuit, je me questionnais sur ce que je ressentais vraiment vis-à-vis de lui, et j'en vins à la conclusion que je ne l'aimais pas, et que je ne pouvais plus rester avec, continuer à lui apporter l'espoir utopique qu'un jour cela changerait. Le lendemain matin, après une dernière discussion à propos de nous deux, je rompus. Il m'en voulut énormément sur le coup, se sentais comme trahi, ce que je comprenais. Malheureusement, c'était la meilleure décision à prendre. J'avais attendu trop longtemps, trois mois avaient suffit à ce qu'il s'attache, et à ce que je réalise que je ne pouvais pas l'aimer, que ce petit quelque chose qu'il manquait dans notre relation n'allait jamais arriver de mon coté.

« Veni vidi vici. Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu. »

Je suis venu dans son cœur un beau jour.

Je l'ai vaincu... Je ne parle pas de victoire, je n'ai rien gagné, mais je l'ai anéanti.

Et maintenant, je vois le désastre.

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