Chapitre 9 : Coming out

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 « On étouffe dans ton placard ! »

Une phrase souvent entendu dans des séries où une personne avait un ami gay qui refusait de se dévoiler au grand jour. Et c'est ainsi que suivait la notion de « coming out ». Un des pires moments qu'il puisse exister. Il y a une différence entre tolérer les personnes gay, et accepter que son propre enfant, où qu'une de ses plus proche amies, le soit. J'avais peur, comme n'importe qui dans la même situation, de perdre amis et famille.

C'est ainsi que, pendant quelques jours, je cachais aux yeux de tous, ma relation naissante avec Eléa. J'avais le cœur qui tambourinait à cent à l'heure lorsque je marchais dans la rue à ses côtés. Tous les passants nous regardaient de travers, nous dévisageaient méchamment avant de nous critiquer une fois que nous étions toutes les deux hors de vue. Du moins, c'est l'impression que j'avais en permanence. Je n'osais pas lui tenir la main, ni lui faire de câlins. Alors un baiser... Je n'osais même pas imaginer !

J'étais encore plus timide avec elle que lorsque j'avais parlé pour la première fois de sexualité avec mes parents. A quatorze ans, ma mère était venue me voir dans ma chambre pour me parler de la perte de ma virginité qui allait arriver un jour ou l'autre, du charmant virus du sida et des moyens de protection qu'il existe aujourd'hui... Une conversation surprenante, parler pour la première fois de sexe avec sa mère ce n'est pas quelque chose que l'on peut classer dans la liste des « moments les plus cools de ta vie ». Je le situais environ entre « Ma grande tante à Azheimer » et « J'ai mes règles pour la première fois ». Autant vous dire, Ce jour là, j'étais mal à l'aise, mais ce que je ressentais avec ma copine était d'un level supérieur. J'étais un glaçon en public.

Mais je n'allais pas non plus vivre toute ma vie cachée, il fallait que je commence à l'assumer. Elle, de son coté, avait prévenue ses amis, dans son lycée, et puis ses parents aussi... Il me restait tout ce travail à faire de mon coté. Entre prendre le risque de mourir électrocutée ou noyée, je choisis l'électrocution, c'est plus rapide. Entre le dire à mes parents ou mes amis en premier, je choisis mes amis, certains savaient déjà plus ou moins mon orientation.

Deux semaines, c'est le temps qu'il me fallu pour avouer à mes amis les plus important mon évolution de relation. Allant de la surprise totale au simple « il était temps ! », en passant par le fameux « je m'en doutais », tous l'acceptèrent, sans exception. Certains furent un peu gênés de m'imaginer avec une fille, d'autres intrigués, d'autres encore ne se formalisèrent pas, pour eux, filles ou garçons, l'important était que je sois en couple et heureuse ! Pour la plupart de mes amis, j'étais la première « bisexuelle » qu'ils connaissaient, et dont ils étaient assez proches pour questionner sans pudeur. C'est ainsi que survinrent de nombreuses questions et remarques, dont certaines me laissèrent perplexe !

« -Mais ducoup, t'aimes plus les hommes ?

-Mais en fait, tu l'aime vraiment ou tu fais ça pour chauffer les mecs ? Parce qu'on sait toutes que des filles qui s'embrassent, les mecs trouvent ça sexy !

-Pense à moi si jamais tu veux faire un plan à trois !

-Tu pourras nous la présenter ? On ne l'a encore jamais vu, et comme tu ne nous as jamais présenter ton autre ex petit ami, essaye au moins de nous montrer celle-ci !

-Putain, t'en a de la chance, moi j'en ai marre des mecs, je vais peut être finir aussi lesbienne.

-Je suis sure que dans même pas une semaine, tu réaliseras que tu ne peux pas te passer de bites.

-Non mais vraiment, si jamais tu envisage un plan à trois, appelle moi, je viendrais !

- C'est une erreur de parcours, ça arrive à tout le monde !

-Si jamais vous vous mariez un jour, c'est qui toi ou elle qui sera en robe ?

-Tiens, je te redonne mon numéro, tu peux m'appeler n'importe quand, pour faire l'amour à deux filles au lieu d'une, je serais toujours dispo, n'oublie pas ! »

Puis arriva le moment fatidique : celui où l'on avoue à ses parents que leurs rêves de voir leur fille mariée à un bel homme est un peu compromis. Je choisis un simple repas, un soir du weekend, pour leur expliquer que j'avais une copine.

« Au fait, je vous ai dit au téléphone que depuis un mois je suis en couple, mais que c'est compliqué... Il faudrait que je vous explique maintenant. » Commençais-je, en attrapant mes couverts pour trifouiller ma salade, plus pour me donner contenance que pour un quelconque appétit.

« Oui, cela nous intéresse. Il est de ton lycée ? Il s'appelle comment ? » Me demanda ma mère avec un petit sourire.

« Heu... C'est-à-dire que... En fait c'estunefillequinevientpasdemonlycéemais... » débitais-je à toute vitesse, oubliant mes capacités d'articulations.

« Pardon ? Tu peux répéter, tu parles dans ta barbe là... » Me dis mon père, à l'autre bout de la table.

« Elle n'est pas de mon lycée et elle s'appelle Eléa. » Répétais-je en insistant bien sur le « Elle ». Un grand silence suivit ma déclaration. Il n'y avait même pas de mouche à entendre voler. J'aurais préféré, plutôt que ce silence tout sauf confortable. Je n'osais même pas regarder mes parents dans les yeux, préférant me focaliser sur mon assiette à peine entamée.

« Ca y est, c'est la fin. » pensais-je, les larmes aux yeux. Mes parents étaient assez tolérants, mais de là à ce qu'il accepte que leur fille, leur cher petit enfant, puisse aimer une fille, il y avait un pas. Ou plutôt un gouffre. Et j'étais carrément tombée dedans. Je m'imaginais déjà chassée de la maison à grand coup de pied dans mon arrière train, avec ma mère hurlant un dernier « sorcière ! » en me jetant un seau d'eau au visage. Puis élire domicile sous un pont, avec un petit baluchon à carreau sorti de je ne sais où, avec une musique triste en fond, le tout en noir et blanc.

« C'est qu'un passage je suppose. Pas de quoi en faire tout un drame, il y a beaucoup de jeunes qui se cherchent à ton âge ! » S'exclama mon père, rompant le silence. Merci papa. Je préférais presque finir sous un pont plutôt que de devoir lui expliquer mon vrai ressenti. Plus qu'un passage, c'était une conviction. J'étais bi, il n'y avait pas à se voiler la face. Mais alors que j'ouvrais la bouche pour lui expliquer le fond de ma pensée, ma mère me devança :

« Non mais je n'y crois pas ! Et tu as pensé à nous un peu ? Je voulais des petits enfants moi ! »

Ce fut la réplique de trop. Enervée, je lui répondis qu'il existait plein de moyen d'avoir des enfants pour deux femmes, l'adoption ou l'insémination artificielle, peut importe, avant de sortir de table, en larme. 

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