Mes jambes me lâchèrent et alors que je m'attendais à ressentir le contact du carrelage froid, je sentis deux mains me rattraper en se posant sur ma taille.
- Hey, ça va ? s'inquiéta une voix à mon oreille.
Relevant doucement les yeux, je croisai le regard inquiet de Lucas. Evidemment, il fallait que ce soit lui ! J'essayais de me reconstruire un visage impénétrable avant de lui répondre.
- Oui, je suis fatiguée c'est tout.
Je me reculai rapidement et il me lâcha. Lui tournant le dos, je ramassai mon téléphone que j'avais laissé tombé quelques secondes plus tôt et en apercevant à nouveau le message, mes yeux s'embuèrent et mes mains se mirent à trembler.
- Je ferais mieux d'aller me coucher. Pourrais-tu m'excuser auprès de tout le monde ? demandai-je.
- Pas de soucis.
- Merci.
Sur ce, je m'empressai de quitter la cuisine et allai m'enfermer dans ma chambre. A peine la porte de celle-ci fut-elle fermer que je m'effondrai à nouveau. Je me laissai glisser contre le mur et laissai échapper les sanglots que je retenais depuis un moment.
Même à des milliers de kilomètres, je ne pouvais y échapper. Je me rendais compte à cet instant qu'il m'était impossible de tirer un trait sur mon passé. Il ne me laisserait pas le faire. Il continuerait toujours à me briser et ce peu importe la distance que j'avais réussi à instaurer entre lui et moi. Sentant une nouvelle crise d'angoisse arrivait, je me levai et me précipitai vers mon sac, mon corps toujours secoué de sanglots. Fouillant mon sac, je tombai enfin sur ma boite de médicaments. L'ouvrant rapidement, je pris deux cachets et les avalai promptement. Je m'assis lourdement sur ma chaise de bureau, me balançant d'avant en arrière et fermai les yeux, attendant qu'ils fassent effet. Au bout de quelques minutes, ce fut enfin le cas et ma respiration se calma. Rouvrant les yeux, mon regard tomba de suite sur la boîte que je tenais et je lus une nouvelle fois le mot que je lisais depuis des mois. Anti-dépresseurs.
Ils étaient devenus mes seuls amis depuis des mois. J'avais commencé à en prendre deux semaines après ce qu'il s'était passé. N'en pouvant plus d'être mal à ce point et ne voulant pas finir comme Ana, j'étais allée voir le docteur Kyle,mon médecin depuis ma plus tendre enfance et l'avais supplié de me donner des choses pour tenir le coup. Il avait très bien vu l'état dans lequel je me trouvais et cette dépression qui s'était installé en moi. Évidemment, ayant également été le médecin d'Ana, il s'était de suite inquiété et m'avais interrogé sur la raison de mon état. Ce fut la seule fois où j'avais failli en parler à quelqu'un. Il était là à me regarder avec une sincère inquiétude, réellement compatissant alors oui, j'avais failli lui dire mais je m'étais finalement retenue. Il n'aurait pas pu comprendre, personne ne le pouvait. Quelques minutes après, il me prescrivait une ordonnance pour des anti-dépresseurs et à partir de ce jour-là, je ne m'en étais plus séparé. Il m'avait également donné une ordonnance pour voir un psychologue mais à peine sortis de son bureau, je l'avais déchiré et jeté dans la première poubelle que j'avais croisé. Au grand jamais, je n'irai voir un psy !
Prenant une profonde inspiration, je rangeai mes médicaments dans mon sac et allant prendre un pyjama, je partis prendre une douche puis allai me coucher.
Je courrais dans de longs couloirs, complètement terrifiée. Il allait me rattraper. Je devais courir plus vite. Mes larmes coulaient silencieusement le long de mes joues, faisant couler mon mascara, mes mains et mes jambes tremblaient et je ne désirais qu'une chose, atteindre cette porte au fond du couloir dans lequel je venais de déboucher. J'entendis un rire résonner derrière moi et j'appelai à l'aide. Ma poitrine me faisait mal tellement je courrais. J'avais l'impression que mon cœur allait sortir de ma cage thoracique, que mes jambes allaient céder sous le poids de l'angoisse, de la panique que je ressentais. Pourquoi moi ? Mes pleurs redoublèrent tandis que j'étais désormais à deux mètres de la porte. Soudain, un bras m'attrapa par la taille et je me mis à hurler tandis qu'il me tirait en arrière.
Je me réveillai en poussant un hurlement. Je sentis une main sur mon bras et me reculai précipitamment en criant, les joues baignées de larmes.
- Du calme, c'est moi. Calme-toi, c'était un cauchemar.
Relevant la tête, je reconnus alors Greg à un mètre de moi. Un sanglot me secoua et il voulu s'approcher de moi mais je me reculai encore. Je vis une lueur de douleur dans son regard mais n'y fis pas plus attention, tellement j'étais bouleversée. M'asseyant, je ramenai mes genoux contre ma poitrine et posai ma tête dessus. Je me mis alors à me balancer d'avant en arrière tout en continuant de sangloter. Encore un cauchemar...
- Qu'est ce qui se passe ? entendis-je soudain.
Mon père avait fait irruption dans ma chambre et je devinai à son souffle haletant qu'il s'était précipité ici en m'entendant crier.
- C'est rien, elle a fait un cauchemar, lui répondis mon frère.
Non, ce n'était pas rien. Ce cauchemar je le faisais toutes les nuits et chaque nuit, je me réveillai dans cet état, au bord de la crise de nerfs. Le seul moyen pour moi de dormir était de prendre des somnifères, mais en ayant trop abusé ce dernier mois, mon médecin avait refusé de continuer de m'en prescrire. Mon père voulut s'approcher de moi mais je me repliai encore davantage sur moi-même.
- Sara, calme toi, c'est moi, murmura t-il doucement. Tu es en sécurité.
C'était faux. Même ici, à l'autre bout de la planète, je n'étais pas en sécurité. Je ne l'étais plus nul part. Je m'étais fourvoyée en croyant qu'ici je pourrais enfin tout oublier et redevenir celle que j'étais avant. Une fois que des choses avaient été accomplies, on ne pouvait plus les changer, les effacer. Ce qui s'était passé ne pourrait jamais s'oublier. Un sanglot déchirant me secoua à nouveau et je me mis à me balancer encore plus fortement. J'avais si mal. C'était comme si on me transperçais de coups de couteau de part en part.
Comprenant que je ne voulais pas qu'on me touche, mon père finit par s'asseoir près de moi et par me murmurer des paroles rassurantes tout en évitant le contact. Il finit par pousser mon frère à retourner se coucher en disant qu'il allait s'occuper de moi. Greg finit par accepter en poussant un soupir et il sortit de ma chambre après avoir insisté sur le fait qu'il était là si j'avais besoin.
Il me fallut de longues minutes pour me calmer et je finis par reprendre mes esprits et me sortir ce cauchemar de la tête. Lorsqu'enfin ce fut le cas, mes sanglots s'atténuèrent malgré que des larmes silencieuses continuaient de couler le long de mes joues. Je finis par me rallonger doucement et sentant que la crise était passée, mon père s'approcha et caressa doucement mes cheveux après une minute d'hésitation, sans doute inquiet que je le repousse à nouveau.
- Tout va bien, murmura t-il doucement. Tu es en sécurité, ici, d'accord ?
J'hochai doucement la tête et passai une main sur mes joues pour essuyer mes larmes.
- Ta mère m'avait dit que tu faisais des cauchemars, reprit-il, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit à ce point.
- Je suis désolée de vous avoir réveillé, chuchotai-je difficilement.
- Ne le sois pas ma puce. Au moins, ça m'aura permis de voir que ta chambre est mal isolée, dit-il tentant d'alléger l'atmosphère.
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Les chaînes du passé
RomanceOn ne se délivre jamais réellement des chaînes du passé si on fait en sorte de ne jamais les affronter. Elle pensait en guérir en s'enfuyant à l'autre bout du monde. Elle se trompait.