Le soir-même, alors que nous étions en train de dîner, mon père m'interrogea sur cette première journée de cours et je haussai simplement les épaules. Que voulait-il que je lui dise ? Que tous les élèves m'avaient dévisagé ouvertement, que je m'étais disputée avec Lily ou encore que je n'aimais pas le prof de math ?
- Écoutes, commença t-il, je sais qu'à Londres, tu avais tendance à sécher les cours.
- Et ? répliquai-je en buvant mon verre d'eau.
- Et tu as eu de la chance de tout de même passer en première et de ne pas avoir à redoubler ta seconde, continua t-il. Donc j'espère qu'ici tu suivras sérieusement les cours.
- Et si je ne veux pas ?
- Sara...
- Non, le coupai-je. Tu n'as pas à me dire ce que je dois faire.
- Je suis ton père, alors si j'ai parfaitement le droit de te dire ce que tu dois faire, s'énerva t-il.
Mon père ? Et où était-il quand j'avais eu besoin qu'on me défende, qu'on l'empêche de me toucher ? Où était-il quand j'avais sombré et que la dépression s'était installée profondément en moi ? Où était-il ?! Un sourire mauvais se dessina sur mes lèvres et je répliquai froidement tout en me levant.
- Être présent un mois par an, ce n'est pas ça être père !
Sur ce, je quittai la pièce et me précipitai dans ma chambre. Fermant la porte à clé, je passai une main dans mes cheveux et me dirigeai vers mon bureau. Il n'avait pas à me dire ce que j'avais à faire. Je ne l'avais pas accepté de ma mère alors je l'accepterai encore moins de lui. Plus personne ne me forcerait jamais à faire quoi que ce soit, je me l'étais promis au moment même où j'avais quitté ce maudit gymnase. M'asseyant, je sortis mon calepin et commençai à dessiner, tentant de me détendre.
Depuis mon enfance, mon père ne m'avait jamais accordé beaucoup d'attention. Les seuls moments que j'avais vraiment eu avec lui étaient l'été où nous partions en vacances à trois, avec Grégoire. Le reste de l'année, il me passait un coup de fil tous les mois pour prendre de mes nouvelles, savoir comment j'allais et encore ! Il n'avait jamais eu le temps pour moi, bien trop préoccupé par son entreprise.
En effet, mon père avait monté son entreprise d'électronique il y a maintenant une dizaine d'années et celle-ci était rapidement devenue l'une des plus importantes aux Etats-Unis. Alors qu'il aurait pu transférer ses locaux du côté de New York, il avait préféré rester sur Santa Barbara car il adorait le climat et qu'il ne voulait pas déboussoler Greg avec un nouveau déménagement.
Continuant de dessiner quelques minutes distraitement, je finis par constater que je m'étais représentée repliée sur moi-même en train de pleurer et ce au milieu d'un cercle d'ombres qui me surplombaient de leur hauteur. Frémissant, je refermai rapidement le carnet. Ce n'était pas la première fois que je faisais ce genre de dessin. En réalité, je devais même l'avoir déjà fait des bonnes centaines de fois ces derniers mois et ce, pour la simple et bonne raison que j'en faisais souvent le cauchemars. Après tout, cela n'était pas étonnant. Du jour au lendemain, je m'étais retrouvée seule, à subir les remontrances de mes anciens amis. Ayant quitté l'équipe de pom-pom girl alors que j'étais la capitaine, les filles de l'épique m'avaient également tourné le dos car elles ne l'avaient pas compris. Elles m'en voulaient de les avoir quitté un mois avant les championnats mais je m'en fichais. Après tout, pourquoi me serai-je sentie coupable alors qu'aucunes d'elles n'avaient essayé de savoir la raison de mon abandon. Certes, nous n'étions pas véritablement amies mais moi, j'avais été là à chaque fois que l'une d'entre elles avait un problème. Même si j'avais été déçue, j'avais bien dû admettre que c'était dans ce genre de moment que les vrais amis se distinguaient et malheureusement pour moi, je m'étais vite rendue compte que je n'en avais pas.
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Les chaînes du passé
RomansaOn ne se délivre jamais réellement des chaînes du passé si on fait en sorte de ne jamais les affronter. Elle pensait en guérir en s'enfuyant à l'autre bout du monde. Elle se trompait.