- Tu es sûre de vouloir aller vivre chez ton père ?
Ma mère Rose Warren se tenait dans l'embrasure de la porte, me regardant avec tristesse. J'étais consciente que mon départ l'attristait mais je ne pouvais faire autrement. J'avais besoin de partir.
- Oui maman, c'est mieux comme ça, murmurai-je en empilant mes livres dans un des nombreux cartons qui encombraient ma chambre.
- Mais il habite à l'autre bout de la planète ! tenta t-elle de me convaincre.
Cette remarque m'arracha un faible sourire. Pour rejoindre mon père, je n'avais que l'océan Atlantique à traverser. En l'écoutant, on aurait pu croire que je déménageais en Australie alors que ce n'était pas le cas, je quittais simplement l'Angleterre pour rejoindre les États-Unis. Il est vrai que la Californie et plus précisément la ville de Carpinteria, où vivait mon père, était bien différente de Londres mais ce n'était pas non plus à l'autre bout de la planète.
- Il y a à peine douze heures d'avion, maman.
En effet pour aller jusqu'à chez mon père, je devais d'abord prendre un avion à Londres en direction de Los Angeles puis un avion à Los Angeles en direction de Santa Barbara. Au total, j'en avais pour onze heure et demie d'avion jusque Los Angeles et cinquante minutes pour Santa Barbara. Pour ma mère qui n'était pas du genre à rester cinq minutes en place, cela pouvait être long mais moi, cela ne me dérangeait pas. Je préférais encore supporter ces heures d'avion plutôt que de rester vivre à Londres. De plus, j'avais déjà fait bien pire en partant en vacances avec mon père.
- Douze heures de trop, répliqua t-elle. Et puis, tu... tu ne verras plus tes amis.
Mes amis ? Quels amis ? A la minute où ma vie avait basculé, ils m'avaient tourné le dos, m'abandonnant au moment où j'avais le plus besoin d'eux à mes côtés. Je n'avais rien dit, je les avais laissé s'éloigner. A quoi bon les retenir ?
- Et bien, tant pis, répondis-je tentant de masquer la colère que je ressentais dès qu'on les évoquait.
- Tant pis ? fit-elle surprise. C'est tout ce que tu trouves à dire ?
A quoi s'attendait-elle ? C'était moi qui avait pris la décision d'aller vivre chez mon père donc je savais à quoi je renonçais. Et pour être honnête, la seule chose à laquelle je renonçais réellement était de voir ma mère. Depuis ma plus tendre enfance, nous avions toujours été très proches. Je me confiais à elle sans hésitation et sur tous les sujets. Malheureusement, j'avais grandi et depuis quelques mois, cela avait changé. Il m'était impossible de lui dire ce que j'avais sur le cœur désormais.
En plus d'être fort proche l'une de l'autre, je lui ressemblais également beaucoup. J'avais hérité de sa chevelure brune que beaucoup de femmes lui enviaient, ainsi que de son tempérament impulsif. Tout comme elle, je n'avais pas ma langue dans ma poche et cela m'avait d'ailleurs valu quelques désagréments au lycée. La seule chose que je ne tenais pas d'elle était la couleur de mes yeux, qui me venait de mon père. C'était d'ailleurs les yeux bleus de celui-ci qui avaient séduits ma mère dans un premier temps.
- Je me ferais de nouveaux amis, me repris-je. Et puis, Greg sera là.
Grégoire avait un an et demi de plus que moi. C'est lui qui avait le plus souffert de la séparation de nos parents. Alors que moi, j'étais proche de ma mère, lui, l'était davantage de notre père. C'est pour cela qu'au moment du divorce, il avait voulu emménager chez lui. Malgré notre séparation, nous étions tout de même restés très proches. Cependant, ces derniers mois nous avaient éloigné considérablement. Avant nous nous téléphonions pratiquement tous les deux jours, aujourd'hui cela se bornait à un appel toutes les deux semaines. Même si cela me faisait de la peine, j'étais parfaitement consciente que j'en étais l'unique responsable.
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Les chaînes du passé
RomanceOn ne se délivre jamais réellement des chaînes du passé si on fait en sorte de ne jamais les affronter. Elle pensait en guérir en s'enfuyant à l'autre bout du monde. Elle se trompait.