9_ Euros

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Nous avons continué de marcher pendant des jours, peut-être un mois, je ne sais plus. Nous avons arrêté de compter. Nos parents doivent probablement s'inquiéter maintenant. Mais qu'importe, nous n'allons pas faire demi-tour maintenant !

Je me rends soudain compte de la routine qui s'est installée au fil des jours. C'est tout le temps la même chose : Kai se réveille au lever d'Indrah et prépare à manger, ensuite il nous réveille et, après le repas, il m'aide à ranger le campement tandis que les filles font des réserves. Nous ne mangeons pas très équilibré, des fruits en majorité, parfois des céréales que l'on récupère dans les champs et, très rarement, un peu de viande d'oiseau lorsque que je parviens à en attraper un en vol... Puis, nous marchons jusqu'à ce que nous ayons faim, et nous remarchons jusqu'à trouver un bois ou jusqu'à ce que la nuit tombe.

Elle ne devrait pas tarder d'ailleurs, c'est pourquoi je me suis envolé, à la recherche d'un bois. Mais même de là où je suis, je n'en vois aucun. Nous allons donc devoir dormir au milieu de la campagne, ce qui ne me plait pas du tout. Je m'apprête à redescendre lorsqu'une bourrasque m'entraîne. Avec beaucoup de difficultés, je parviens à la combattre et retourne sain et sauf sur la terre ferme.

J'annonce la nouvelle à mes amis, qui sont tout aussi déçus que moi. Avec l'habitude, nous pouvons désormais monter le campement en un temps record de dix minutes. C'est ainsi que, seulement quarante minutes après mon retour sur terre, nous avons déjà mangé et sommes prêts à nous coucher. Dune a déjà sondé la terre et les tours de gardes seront assurés par Kai et Aria à partir du milieu de la nuit.

Pourtant, je n'arrive pas à dormir. Ce qui m'est arrivé en me tracasse. Il y avait quelque chose d'anormal dans cette bourrasque. Elle était en effet plutôt puissante, mais ce n'est pas ce qui me dérange. Il me semble qu'elle portait une odeur étrange.

Je m'endors sur ces pensées, et ce n'est que le lendemain matin, lorsque nous repartons, que je trouve la réponse à la question qui me taraude depuis la veille.

Ce vent était froid, beaucoup plus froid que ceux que je perçois habituellement. Et l'odeur était celle d'une forêt de pins.

Je m'empresse de prévenir mes amis, nous ne devons plus être loin !

Et en effet, le soir même, nous nous retrouvons face à une grande forêt de pins. La température semble avoir brusquement chuté, mais nous ne voyons toujours pas de montagne de glace.

Pendant les jours suivants, nous continuons notre chemin à travers la forêt. Personne n'ose le dire, mais tout le monde craint que nous soyons perdus. Pourtant, nous allons bien vers le Nord, j'en suis certain.

Enfin, le décor change. Il fait encore plus froid et nous nous fatiguons rapidement. Quelque chose de souple et blanc tombe lentement autour de nous et recouvre les arbres et le sol. A certains endroits, le sol est très glissant, mais ce n'est pas à cause de la boue. Ca ressemble à du verre, mais ça n'en est pas. Et le plus gros changement dans tout cela, ce sont les sons. Ou plutôt l'absence de sons. Tout est silencieux, le bruit de nos pas est atténué par le blanc qui recouvre la terre.

Lorsque Dune tente de sonder la terre, elle n'y arrive plus. En effet, la terre est dure et froide. Comme insensible au reste du monde. Et plus nous nous enfonçons dans cette forêt, plus nous ralentissons. Nous craignons de mourir de faim, car il est impossible de trouver des fruits aux alentours. Nous craignons aussi le froid mordant, contre lequel même le feu de Kai reste impuissant. Et surtout, nous craignons de ne jamais trouver les Nymphes, que ce soit beaucoup de chemin pour rien.

Aujourd'hui il fait froid. Encore. Nous sommes assis autour d'un grand feu au milieu d'une clairière blanche. Mais je remarque une grande différence, les sons semblent être revenus. J'entends les cris au loin de ce qui doit être un animal en pleine chasse.

« - Vous avez entendu ? s'exclame Kai.

- Oui, la vie est de retour, remarquè-je en souriant.

- Ce n'est pas juste la vie ! C'est une voix humaine !

- Nous les avons trouvées !

- Euh, vraiment ? Pour moi c'était juste une bête...

- Oui, sûre ! me réponds Aria, joyeuse comme tout. »

Et c'est à ce moment que j'entrevoie une silhouette se déplacer entre les pins. Elle va vite, se rapproche, mais ne semble pas nous avoir vus. C'est en effet une jeune femme qui court, regardant régulièrement derrière elle comme si elle était poursuivie. Mais elle rit, et fonce droit sur nous. Ce n'est qu'une fois à l'orée de la clairière qu'elle s'arrête brusquement en nous apercevant. Le temps semble s'arrêter. Nous avons devant nous la preuve même que les Nymphes existent.

Nous nous dévisageons, chacun étonné par ce qu'il découvre. Il semble aussi qu'elle n'a jamais vu personne appartenant à une autre race. Derrière elle une forme fait son apparition. C'est un homme, une Nymphe lui aussi. Il se met aussitôt sur ses gardes, devant la jeune fille.

Il met ses mains devant lui comme si cela pouvait le protéger. Je comprends un peu tard qu'il le fait pour nous attaquer, et je parviens de justesse à ériger un mur de vent pour stopper son jet d'eau. Voyant que je ne pourrai pas tenir plus longtemps, ma sœur me rejoint, suivie de Kai et de Dune. Ensemble, nous formons un rempart de vent, de feu et de terre. L'inconnu redouble d'effort et je sens sa pression sur notre mur. Il est vraiment doué ! Mais s'il continue, nous allons tous les quatre y passer. Et notre voyage aura été vain, ainsi que notre mort.

« Arrêtez ! »



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