17_ Ebarun

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Cela fait désormais plus d'un mois que nos enfants sont partis, et nous n'avons toujours pas de nouvelles. Alors que l'angoisse a occupé notre esprit pour la plupart du temps, la colère resserre de plus en plus son emprise sur nous. Ni Fëanor, ni Aedan ou moi-même n'avions été capables de prédire un tel acte irresponsable de leur part. Et nos femmes non plus, à présent encore plus désemparées que nous qui pouvons au moins nous réfugier dans l'action.
Nous avons, ces dernières semaines pu faire pression sur les gardes de toutes nos citées, pour que, sans trop de bruits, ils fassent des recherches très poussées, mais notre réputation n'a pas suffi et il a fallu payer. Des sommes de plus en plus importantes chaque semaine, et nous serons bientôt incapables de financer cette chasse à l'homme.

Fëanor et Aydan, tous deux très stricts dans l'éducation de leurs enfants, passaient le plus clair de leur temps à rejeter la faute sur la progéniture de l'un et l'autre, refusant de croire leurs adolescents puissent être capables d'une telle fugue.Lorsque je les vois ainsi de loin, côte à côte, il m'est impossible de déterminer lequel s'impose le plus. Le premier, de taille moyenne, possède la carrure d'une montagne et des cheveux bruns aux reflets carmins. Les traits de son visage laissent peu paraître ses émotions, tandis que son corps, dégage une énergie puissante et chaude, très différente de celle peu perceptible d'Aydan, qui est froide. Ce dernier est grand comme un arbre et fin comme la tige d'une fleur, trompant ainsi chaque adversaire qui ose faire fi de sa réputation de tacticien sans égal.

Lorsque qu'en début de nuit, une feuille de cerisier signée du sceau de la garde nous est parvenue, nous nous sommes tous précipités vers mon territoire, sans oublier de prévenir nos pauvres épouses.
Indrah est désormais couché depuis plus de quatre sabliers et notre vision s'est à peu près habituée à la faible lueur dans la paume de Fëanor. Le spectacle est saisissant. Nous sommes au milieu du pont en direction de Deltae, où sont nos enfants, mais également au milieu de rien. Derrière nous se trouve Jabtys, la cité blanche qui luit de jour comme de nuit. A l'opposé, une cité sombre entourée de grandes murailles de pierre nous fait face : la ville portuaire de tout un territoire, sa ville la plus dynamique après la capitale, Gothma, située dans les montagnes, au niveau des mines. Deltae fait face à la mer tout en se trouvant, grâce à cet unique pont, à la croisée des chemins vers tous les territoires de Thasres. Elle s'est donc naturellement imposée comme la principale citée des échanges.
Nous franchissons cette zone contrastée, alors que l'Aeda est au zénith. Nous sommes entre infini et fini, entre ciel et terre, entre soir et matin. Le calme environnant me laisse le temps de penser à nos enfants. Il me paraît assez clair qu'ils avaient leurs raisons pour quitter le confort de leurs foyers, et qu'ils devaient être très motivés pour échapper aussi longtemps à nos gardes. Et s'ils sont de retour, c'est qu'ils le veulent. Les brusquer à notre arrivée ne servirait donc à rien. Il faut les laisser nous expliquer.

Fort de cette conclusion, je relève alors la tête, déterminé à faire entendre raison à mes deux impulsifs amis, lorsque je me rends compte qu'ils se sont arrêtés quelques mili-lieux devant moi, fixant quelque chose dans l'air devant eux. Je me précipite aussitôt et découvre avec stupeur qu'un message de feu semble se matérialiser devant nous. Une flamme bleue à la chaleur vorace virevolte agressivement et nous convainc des mauvaises intentions de son maître avant même que son message soit lisible. Lentement, des lettres dorées d'une calligraphie parfaite se forment, démontrant un niveau de maîtrise rarissime. Il ne se peut s'agir que d'une salamandre aux pouvoirs exceptionnellement puissants...

Je commence alors à lire la missive, manquant de m'étouffer à plusieurs reprises.

« Chers conseillers,
Les enfants sont de retour ? Aurez-vous le temps de les voir avant que la ville ne brûle ?
Il me paraît évident de connaître les moindres déplacements de ceux qui pensent pouvoir m'arrêter.
Pas très dangereux ces gamins, croire aux Nymphes à leur âge et partir à leur recherche sur les dires d'un fou...
Enfin, ils sont de retour n'est-ce pas ? Il ne faudrait pas les perdre à nouveau. Et pour toujours, cette fois...
Avec mes salutations les plus sincères,

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