Source de Feu

6_ Aria

Je me réveille au chant des oiseaux, et me retrouve nez à nez avec mon double. Mon jumeau en réalité. Je suis tellement étonnée que je perds l'équilibre et tombe de la branche où je m'étais installée pour la nuit. Heureusement, je m'étais accrochée et la corde me retient. C'est alors que je vois Dune et Kai en bas. Ce dernier éclate d'un grand rire, tandis qu'elle se contente de sourire. Mon frère m'aide à me redresser, mais lorsque je lui fais face, j'ai droit à une véritable tête d'enterrement : ça sent très mauvais pour moi tout ça ! Je baisse les yeux et me détache pour ensuite voler jusqu'à terre, suivie de près par Euros.

Ce dernier m'attrape le bras et m'entraîne à l'écart.

« - Non mais ça va pas ? Qu'est-ce qui t'a pris ? Partir seule, traverser un territoire inconnu, aller à la rencontre d'êtres peut-être malveillants ! Tout cela sans savoir s'ils existent !

- Je croyais bien faire, pour la sécurité de tous les habitants de la planète !

- Ce n'est pas à nous de protéger Thasres, c'est à nos parents Aria !

- Mais vous ne vouliez même pas leurs parler de notre idée !

- Cela voudrait dire nous livrer pour un crime sévèrement puni : l'effraction dans un bâtiment interdit.

- Nos parents n'auraient pas ébruité cette petite intrusion, et auraient utilisé nos informations !

- Tu ne comprends pas ! Nos parents détestent les Nymphes ! Toute la planète leur en veut ! Nous ne savons même pas pourquoi elles ont été mises à l'écart lors de la répartition !

- Il doit bien y avoir une raison valable, mais nous n'irons pas les rencontrer, c'est beaucoup trop dangereux Aria...

- C'est ce que tu te dis pour ne pas te sentir coupable de ne rien faire. »

A ces mots je lui tourne le dos et pars m'asseoir à l'écart. Je lui en veux. Comment peut-il ne pas comprendre ? Dune me rejoint en silence. Elle respecte le mien et se contente de poser une main sur mon épaule. C'est si bon de la revoir. Mais je vais devoir la quitter à nouveau. C'est décidé. Cette nuit je leur fausse compagnie, je ne peux pas faire demi-tour si près du but.

Ils ont tous décidé qu'il valait mieux rester au même endroit cette nuit, et prendre notre temps pour rentrer. La nuit tombe vite et nous avons juste le temps d'installer le campement. L'ambiance est très étrange, personne ne parle. Ou, plutôt, personne n'ose parler.

Je m'installe dans la tente que je vais partager avec Dune et ouvre le manuscrit que nous avons ramené de la Grande Bibliothèque.

D'après lui, les Nymphes sont des êtres très méfiants depuis le début de leur exil, alors qu'elles étaient très accueillantes avant. Ce ne sera pas facile de les convaincre, mais je dois essayer. Je consulte le chapitre les décrivant physiquement, pour être sûre de les reconnaître lorsque j'en verrai. Elles ne sont pas très différentes de nous. Elles ont la peau claire, les cheveux de différentes nuances de bleu et les yeux bleu clair ou très foncé.

Dune m'appelle pour venir manger. J'apprends alors que, par notre sécurité, des tours de garde sont instaurés. Cela ne va pas m'aider pour fuir dans la nuit... Kai commencera, suivi de Dune, puis Euros, puis moi, et on recommence. Un tour dure une heure. Je pourrai probablement partir durant le deuxième tour de Kai, mais ça ne me laissera que trois heures de marge... Qu'importe, il faut tenter le tout pour le tout !

Nous nous couchons rapidement. Lorsque Euros vient me réveiller, je vois dans ses yeux qu'il veut me parler, mais je ne lui en laisse pas l'occasion, partant immédiatement au coin du feu. Il me regarde, baisse la tête en soupirant, et retourne se coucher.

C'est étrange de se retrouver seule au milieu d'une forêt, de nuit, avec pour seul compagnon un feu qui émet une lueur chaleureuse. De jour, les bois étaient plus calmes, silencieux. Mais de nuit, les animaux qui les habitent semblent s'éveiller. J'assiste à un concert de sons : le feu qui crépite, le vent qui souffle dans les arbres, les chouettes qui hululent, le glapissement des renards au loin... Tous semblent se répondre et je suis au milieu, je les écoute, m'introduis dans leur vie nocturne, silencieuse, tentant de ne pas les perturber. Je me perds dans cette exploration sonore et c'est finalement le froid qui me fait reprendre mes esprits : le feu est presque éteint. Je le ranime à l'aide des braises et prépare mon sac pour mon départ. Je récupère une couverture, le manuscrit, des provisions pour tenir un jour, et cache le tout derrière un arbre un peu éloigné du campement.

Je pars ensuite réveiller Kai et fais mine de retourner me coucher.

Je me dirige vers l'arbre dans la plus grande discrétion, mais arrivée au bon endroit, impossible de retrouver mes affaires. Je suis pourtant certaine de les avoir mises ici, je reconnais l'arbre tordu juste à côté. Alors je cherche un peu partout, m'éloignant au fur et à mesure du campement. Je dois partir, et vite. Chaque instant passé en plus ici diminue mon temps d'avance et augmente mes chances de me faire découvrir par Kai.

Soudain, une voix se fait entendre : « C'est ça que tu cherches ? ».