19_ Aria

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Je me réveille dans un espace familier pour la première fois depuis bien trop longtemps. Ma chambre est restée inchangée durant ce long mois, et je suis contente d'en retrouver le confort. Les tapisseries bleues ornées de fleurs qui couvrent mes fenêtres laissent poindre les premiers rayons d'Indrah. Je me décide donc à me lever pour reprendre mes vieilles habitudes et descend dans la cuisine pour préparer le repas familial. Le seul de la journée. Les matins sont précieux chez nous. En effet, le midi, mon frère et moi mangeons seuls, nos parents trop occupés au travail pour venir. Et le soir, père n'est jamais à l'heure, participant à des réunions tardives, comme celle que nous avions surprise et qui nous avait jetés sur les routes.

Alors que je suis affairée à préparer une énième pâtisserie, un petit nuage apparaît devant moi et vient effleurer mon front, avant de disparaître. Voilà mon père et sa timide façon de me souhaiter le bonjour. Je me retourne souriante. Les retrouvailles avaient été froides, mais la journée qui avait suivi avait permis de plus amples explications et détails. Et surtout, Père ne m'avait pas punie. Ce qui est assez surprenant d'ailleurs, tellement je suis habituée aux sanctions de sa part. Mais je ne vais pas m'en plaindre.

Je lui apporte donc une part de gâteau et m'installe face à lui. Le silence n'est pas pesant, le matin est un sentiment variable pour tous. J'y suis habituée, préférant de loin les lueurs de l'aurore à celles du crépuscule. Plus libre, l'aube porte l'éveil et la vie, avec elle se lèvent les vents qui portent les senteurs et les bruits du monde. Inrah baigne Thasres de sa douce lumière tandis qu'Aeda part, accompagnée de ses reflets argentés.

Parfois, je me lève assez tôt pour sortir dans le silence matinal. Et dans ces moments je marche à travers Thasres jusqu'à atteindre le grand Océan Maérien pour y admirer le coucher d'Aeda ou le lever d'Indrah. Souvent, mes pas me portent vers ma terre natale. Mais je n'ai jamais osé passé le pont de peur de manquer le repas familial. Alors à chaque fois je m'arrête à côté de la maison du gardien.

Ce dernier m'avait arrêté et questionné des heures durant sur mes intentions la première fois. Il faut dire que peu sont autorisés à traverser les ponts et il faut se munir d'un mot de l'Adis pour les occasions spéciales ou d'une autorisation lunaire pour les réguliers comme les marchands ou les personnalités importantes. C'est d'ailleurs cette même autorisation que j'ai empruntée à père pour ma récente escapade. Un autre motif qui aurait justifié une punition.

Enfin, depuis cet incident avec le gardien, il ne s'inquiète plus de mes intentions. Désormais il me laisse faire, me saluant d'un simple coup de vent lorsque j'arrive et pars. Il sait qu'il ne faut pas me déranger lorsque je fixe l'horizon à la recherche de ma ville natale et des vallées qu'elle surplombe.

Thaneys est la ville la plus spectaculaire de Thasres. Chaque territoire a bien évidemment sa capitale et ses particularités. Dune nous a souvent conté les durs travaux de ses ancêtres afin de creuser Gothma à même la roche de la plus haute montagne de leur territoire et surtout le palais royal à l'intérieur. Il paraît que toute tentative de régicide serait vouée à l'échec tant les couloirs qui y mènent sont nombreux.

Kai, en revanche, ne parle que très peu de sa terre natale. Bien que jeune lorsqu'il l'a quittée, je crois qu'il sent ce qu'il y a laissé.

En tout cas, j'ai hâte de découvrir ces étendues de sables rouges, mais l'absence de vent me fait peur. Peut-être pourrons-nous, sur le chemin du retour, faire un détour par Thaneys ? La ville nuage qui est dans la plupart de mes rêves quand ils ne sont pas emplis de Nymphes.

Mais depuis notre rencontre avec ces dernières, ce sont d'autres rêves qui me hantent.

J'ai d'ailleurs eu tout le temps nécessaire de penser à cette rencontre hors du commun. Ma réaction avait alors été incroyablement démesurée alors que j'avais été la principale instigatrice du voyage. Mes actions ont été trop spontanées, voire irréfléchies ces derniers temps. Trop souvent je m'emporte, et trop peu j'écoute. Avoir frôlé la mort m'aura permis de m'en rendre compte.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 02, 2018 ⏰

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