Il se baladait dans les rues de Paris, un après-midi de novembre, capuche sur la tête pour éviter de se faire reconnaitre. Il longeait les quais de Seine, écouteurs vissés dans les oreilles, marchant à vive allure, sans but particulier. Marcher était sa drogue, un stimulant, qui l'aidait à écrire quand il perdait l'inspiration. Il vit un banc et s'y assit, plongeant son regard dans l'étendue d'eau face à lui. Il commença à écrire ; il avait toujours son petit carnet sur lui, se devant d'être prêt quand l'inspiration apparaissait. Même s'il pouvait utiliser son téléphone, il avait toujours écrit sur un carnet, depuis ses débuts, et c'était une habitude qu'il ne voulait pas perdre. Après avoir noirci quelques pages, il se décida à reprendre la route et rentrer chez lui. Il arriva près du Trocadéro, et aperçut un attroupement sur la place. Intrigué, il s'approcha de la foule et entendit une mélodie. Il se fraya un passage en jouant de ses épaules et la vit. Ses cheveux bruns relevés en un chignon flou, laissant apercevoir sa nuque où retombaient quelques mèches. Assise face à une piano, elle jouait une mélodie inconnue, sans doute une composition. Il était comme hypnotisé par elle et par cette musique. Le temps s'arrêtait. Il laissa alors son regard divaguer jusqu'aux mains de la jeune femme, petites, aux doigts fins. Il aperçut une bague surmontée de ce qui lui semble être un saphir, même s'il ne connaissait trop rien sur les pierres précieuses. Ses mains voyageaient sur le clavier à une vitesse et avec une facilité déconcertante. Il se déplaça pour mieux l'admirer. Un profil harmonieux, un petit nez, rougi par le froid d'hiver, des lèvres pleines, de longs cils sur des yeux clos. Elle était comme en transe, se balançant d'avant en arrière sur le rythme qu'elle produisait. La mélodie se stoppa après quelques minutes, laissant place à des applaudissements, et éclatant ainsi la bulle du jeune homme qui sortit de sa contemplation. La jeune fille se leva et salua timidement la foule. Il put apercevoir quelques tâches de rousseur sur son visage, puis, il rencontra son regard. Des yeux, d'un bleu magnifique, pur, dans lesquels se reflétaient les rayons du soleil, pourtant peu présent en cette journée. Leurs regards s'accrochèrent et ils se fixèrent pendant un court instant, puis elle baissa les yeux, gênée. Elle prit son sac, détacha ses cheveux qui retombèrent en cascade sur ses épaules, puis disparut à travers la foule attroupée pour l'écouter.Ken Samaras & Giulia Delacroix