Ma soeur Lucie *COMPLÉTÉ*

Chapitre 12: Elle n'est pas celle que je croyais.

Mon doute devient finalement une certitude.

- Lucie...

Elle hausse les sourcils légèrement, mais son visage reste de marbre. Redfern se dirige à pas lents vers elle avec une petite allure de fierté. J'ai le sentiment que je dois l'empêcher d'aller la rejoindre mais je ne fais rien. Pourquoi? Car Lucie le laisse totalement faire. Je suis encore perturbée. Ma soeur... Celle que je cherche depuis si longtemps, je l'ai enfin trouvée! Sauf que ce n'est pas du tout de cette façon que j'imaginais notre rencontre. Je la voyais me tendre la main en disant: July, ma soeur. Parfois l'image changeait et à la place elle disait "Nathalie". Mais, ce n'est pas ce qui est en train de se passer. Elle me ressemble comme deux gouttes d'eau. Le seul différent ce sont ses yeux. Les siens sont noisettes.

- Mon cher Redfern, pouvez-vous me dire ce qu'est tout ce cirque?

Je déglutis. Lui fait-elle vraiment confiance?

- Oh, une bande de jeunes adultes qui nous cause du trouble. Ce n'est rien, il nous suffira de les éliminer.

Je vois soudainement une expression choquante sur le visage de Lucie, qui ne dure qu'à peine deux secondes, le temps que je puisse la remarquer.

- Je crois que ce ne sera pas nécessaire, Dale et Sam ont toujours fait un bon boulot.

Il y eut un silence dans lequel je compris le sens de cette phrase. Je ne pus m'empêcher de répliquer.

- Vous allez me tuer?

- Une inconnue ne pénètre jamais sans autorisation la demeure de la grande Lucie Delorme, répondit Redfern à la place de ma soeur.

Je croyais que celle-ci allait répliquer, mais rien de ce que j'espérais ne se produit. Elle leva légèrement le menton de façon hautaine. Je croyais que de la tristesse allait me submerger mais, au contraire, ce fut une colère inouïe qui monta en moi comme une flèche. Une colère que je n'étais pas capable de contrôler. Je me retins aussi fortement que j'ai pu, les larmes aux yeux, alors que Redfern affichait une mine satisfaite. 

Je n'en pouvais plus, j'explosai.

- COMMENT OSES-TU?! m'écriais-je.

Tout le monde, y comprit Redfern et Lucie, fut pris par surprise. Je ne pouvais tout simplement pas laisser ma soeur me tuer. Pas après tant d'efforts.

- Dès que j'ai su que j'avais une soeur, JE ME SUIS LANCÉE À SA RECHERCHE. Dès que j'ai su que mes parents croyaient qu'elle pouvait toujours être en vie, J'AI TOUT RISQUÉ POUR LA RETROUVER.

Je reprend mon souffle, les larmes coulant avec fluidité sur mes joues, creusant de petits sillons à travers la saleté qui recouvre mon visage.

- J'ai quittée ma vie banale et sécuritaire car je voulais savoir ce qui lui était arrivée. JE VOULAIS SAVOIR SI ELLE ÉTAIT EN VIE!! Et malgré tous les obstacles, j'ai continuée, sans relâche, m'encourageant en me disant qu'elle était juste là, et qu'elle m'attendait. Et maintenant vous me dites que j'ai fait tout ce parcours pour me faire tuer par ma propre soeur? Non. Je n'y crois pas. Je ne VEUX PAS y croire!

Un silence de mort s'abattit dans la salle. Tous les regards étaient pointés sur moi. Celui de Sam dévoilait la tristesse, et celui de Dale, la compassion. Celui d'un garde était de la pitié et un autre, du dégoût. Quant à Redfern il semblait me prendre pour une vraie folle, et Lucie, elle, ne démontrait aucune émotion, le même visage neutre qu'elle avait depuis le début. Je sentis alors la douleur d'une arme que l'on cogne sur ma tempe, puis je m'évanouis sur le sol. Avant de sombrer complètement dans le noir, j'entendis les cris de Sam suivie d'une voix qui résonne dans ma tête.

"Ainsi, tu ne savais pas..."

Puis, le noir m'envahit.

***

Je me réveille alors dans une chambre d'hôpital. Mes jambes, mes bras, mon corps, tout de moi était trois fois plus petit. J'ai les cheveux un peu plus pâle qu'à mon habitude. Devant moi, se tient un docteur, il est jeune et arbore un sourire charmeur et compatissant.

- Ne t'en fais pas mon enfant, je prendrai soin de toi, comme ma propre fille.

C'est Redfern. Je reconnais son air égoïste et sa dentition parfaite. Pas de doute, c'est lui. Il me parle comme à une petite fille d'environ 8 ans et il est plus jeune d'environ une vingtaine d'années. Mon regard dévie vers la fenêtre de la chambre d'hôpital.

- Lucie, regarde-moi, répète le docteur.

Lucie? Est-ce un rêve? Ou peut-être un souvenir? Qu'est-ce que je fais dans le corps de Lucie? Qu'est-ce que je fais dans son corps de fille de 7 ans? Mon regard revient vers lui.

- Surtout, ne t'en fais pas, je te tuerai quand le bon moment sera venu.

Mais, qui dit ça à une petite fille?

- Quand ta puissance sera maximale. Car, tu le sais n'est-ce pas Lucie? Tu es invincible.

La petite fille ne pleure pas, ne chiale pas. Elle reste muette. Comme si il n'y avait rien à répondre.

- Alors, écoute-moi. Si tu veux que tes parents restent en vie, tu vas faire comme si tu t'étais enfuie. Je compte sur toi.

- Je... Je veux p-pas, dit la petite fille.

- Tu n'as pas le choix Lucie, pour ton père, pour ton frère, pour ta mère... Pour ta soeur sur le point de naître...

Une larme coule le long de sa joue.

***

Changement de décor. Je suis toujours dans la chambre d'hôpital, mais il fait nuit. Lucie se tient dans l'embrasure d'une porte. Elle semble espionner une conversation. J'aperçois mon père et ma mère qui discute ensemble. Ma mère semble déboussolée.

- Elle me fait peur, je n'arrive plus à la regarder dans les yeux, dit ma mère.

- Qu'est-ce que tu racontes, Louise?

- Elle amène le malheur partout où elle va. Je ne veux plus la voir, ni lui parler!

- Louise...

- Non! Pas la peine. C'est déjà assez dure comme ça.

- Mais...

- Chéri! J'ai dit non. J'ai l'impression que... que notre fille est un monstre.

Non. Ma mère n'a pas pu dire ça. La petite Lucie ferme la porte et se dirige vers le local du docteur. Il semble remplir de la paperasse. Quand il la voit entrer, un sourire illumine son visage.

- Ah! Ma petite Lucie. Que me vaut l'honneur de ta visite?

- D'accord. Je vais m'enfuir.

Je sens mon esprit quitter son corps, peu à peu. Juste avant de revenir à moi, j'entends Redfern éclater de rire et ajouter: tu croyais vraiment avoir le choix?