C'en était trop ! Cette fois Clarisse avait dépassé les bornes ! Elle se permettait de me juger sans savoir ce que moi je ressentais réellement. J'étais vraiment dépassée par son attitude, comment pouvait-elle dire ça dans le dos de Maman ! C'était notre mère, elle ne pouvait pas l'oublier comme ça, tout simplement. Elle ne pouvait pas tourner le dos à tout ce que l'on avait vécu ensemble, ça faisait parti de nous, c'était notre vie.
Ses paroles m'ont fait l'effet d'un couteau planté en plein cœur. Le goût amer de la trahison dans la bouche, j'ai claqué la porte derrière moi pour m'enfermer dans ma chambre. J'ai eu besoin de taper dans toutes les choses que j'avais sous la main pour me calmer.
J'étais énervée comme jamais et toute la chambre y est passée. Les affaires sur mon bureau ont volé, tout comme mon étagère de livres, suivi de près par ma chaise et les draps du lit. La chambre était sans dessus-dessous mais je m'en moquais.
J'arrachais les photos du mur lorsque Kyle m'a attrapé les mains pour m'empêcher de commettre l'irréparable. Il m'a pris le cliché des mains pour le poser sur la table de chevet et après quelques secondes à me défier du regard, il m'a ordonné de m'asseoir. Jai obtempéré sans rien dire. Il a parlé d'une voix calme et maîtrisée sans défaillir :
« Écoute Béa, ta sœur a raison, il faut que tu fasses ton deuil et...
-Alors maintenant tu es de son côté ! Comment tu peux me faire ça Kyle ? me'mportai-je.
- Laisse-moi parler s'il te plaît, il faut que tu écoutes ce que j'ai à te dire. Clarisse ne te demande pas de l'oublier mais de tourner la page. Tu ne peux pas continuer à agir ainsi, tu es en train de te détruire sans même t'en rendre compte. Et ça me fais mal de l'admettre mais tu as changé Béa. Tu n'es plus cette femme si souriante et joviale. Tu es devenue une tout autre personne, qui m'est totalement inconnue, tu es méprisante et mauvaise.
Je veux retrouver celle que j'aime, la jeune femme un peu têtue et bornée mais belle, drôle, honnête et qui croque la vie à pleines dents. Tu te rends compte de la manière dont tu as répondu à Clarisse tout à l'heure ! Jamais je ne t'avais vu ainsi, hors de contrôle. Tu as littéralement pété un câble, j'ai bien cru que tu allais te jeter sur elle pour l'étrangler ! Et maintenant regarde l'état de ta chambre, c'est nimporte quoi. »Je tentai de dire quelque chose mais il m'en empêcha tout en continuant :
« Il faut que tu acceptes la vérité maintenant, elle est partie, on ne la reverra pas. Regarde la mort dans les yeux, et dis-lui que tu nas pas peur, que malgré la douleur tu continueras à vivre ! Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour ta mère. Qu'est-ce qu'elle dirait si elle te voyait ainsi ?
Tu as repoussé tout le monde, ton père n'a pas osé te le dire, tu n'as pas écouté Clarisse, alors moi je vais te le faire comprendre. Si tu continues dans cette direction, tu perdras tout. Tu te retrouveras seule, et lorsque se sera le cas il sera trop tard pour revenir en arrière, tu n'auras plus personne pour supporter tes crises égocentriques et ton sale caractère. Alors, lorsque tu auras pris conscience de tout ça et que tu seras prête à passer à autre chose, appelle-moi. En attendant, ce n'est plus la peine que tu viennes samedi prochain, ni les autres jours... »Les larmes dévalaient mes joues sans pouvoir s'arrêter. Kyle se leva et alla jusqu'à la porte qu'il ouvrit. Il s'arrêta et de sa douce voix murmura :
« Je taime Béa. »
Je tournai mon regard vers lui mais il restait fixé sur le chambranle de la porte. Il laissa écouler quelques secondes puis s'en alla. Sans se retourner.
Tour à tour, les personnes que j'aimais se sont éloignés. En accusant le monde de m'avoir enlevé ma mère, je n'ai pas vu ceux qui étaient là. Pour moi. A tort, je me suis renfermée dans ma douleur alors que le ciel m'éclairait. Une faible lueur transperçait les nuages. Aveuglée par mon égoïsme, j'ai oublié quelque chose. J'ai oublié que je n'étais pas seule, que ma vie était là, tout près. Elle n'attendait plus que moi. C'était à moi de me remettre en cause.
À moi de tourner la page...