Chacun réagit différemment lorsque quelqu'un meurt.
Certains, comme mon père, écoulaient leur tristesse de l'intérieur, d'autres pleuraient telle Clarisse. Moi, j'ai lâché mon sac, dévalé les escaliers et une fois sur le parking, j'ai hurlé un bon coup en tapant dans une voiture, ce qui a déclenché l'alarme au passage.
J'ai continué à chercher mes clés, mais elles étaient restées dans mon sac. Remontée aussi sec, j'ai récupéré mon sac sous les appels intempestifs de mon père. Il m'ordonnait de revenir mais je n'en fis rien. J'ai bousculé un chariot, crié sur l'infirmière qui me dévisageait et j'ai quitté l'hôpital en fureur.La colère me tenaillait, avec une envie de tout casser. Mon cur était oppressé dans ma poitrine, j'entendais même ses battements frénétiques. Pour me calmer, j'ai monté le son de la radio. J'ai conduis sans savoir où je me rendais réellement, complètement aveuglée. Les larmes coulaient en silence, trempant mes joues.
C'est au bout de quelques heures que j'ai dû m'arrêter, le compteur était proche de zéro et la première station essence à plusieurs kilomètres de distance. J'ai coupé le moteur, laissant un profond silence s'installait. Je n'étais pas encore calmée alors je suis sortie pour marcher.
J'ai longé la route peu fréquentée pour déboucher sur une plate-forme sauvage, vide. La végétation luxuriante poussait à sa guise, sans contrainte. Les nuages gris semblaient retenir leurs larmes, eux aussi. Cet endroit était libre, tranquille.
J'ai toujours été une solitaire. J'aimais me retrouver seule parfois pour réfléchir et laisser mes pensées défiler. Je ne suis pas à l'aise dans les foules, au milieu de tous ces gens pressés par le temps.
Je suis longtemps restée là, sur cette plate-forme, à contempler les décors qui m'entouraient. Quelques gouttes d'eau sur mon front m'ont contrainte à rebrousser chemin pour me mettre à l'abri. Je me suis enfermée dans la voiture tout en me laissant aller contre l'appui-tête du siège. J'ai fermé les yeux dans un soupir. Je me sentais mieux, la frustration m'avait quittée. Plus légère, je pris mon sac à la recherche de mon téléphone portable. Je l'avais laissé en mode silencieux pour ne pas être apostrophée d'appels. Je ne prêtais pas attention aux messages et appels manqués pour faire défiler ma liste de contacts.
Mon doigt s'arrêta face à sa photo, et j'avais l'envie d'appuyer dessus. J'avais envie d'entendre sa voix, et de lui dire tout ce que j'avais sur le cur. J'hésitai puis cliquai sur le numéro précédant. Une sonnerie retentit et il décrocha aussitôt. Sa voix grave me fit frissonner et des larmes m'échappèrent. Je les essuyai rapidement avant de dire :
"Kyle, viens me chercher s'il te plaît...
-Tu es où ?
-En dehors de la ville, j'ai quitté la nationale.
-J'arrive tout de suite, ne bouge pas !"
Ma voix était si faible et raillée que j'en avais mal. Kyle était inquiet pour moi, tout comme Papa devait sûrement l'être aussi. Je me sentais coupable de ne pas leur avoir dit où j'allais mais j'avais besoin d'espace. La pluie continuait et la nuit fit bientôt irruption. Kyle finit par arriver, son habit me laissait deviner qu'il ne s'était pas changé en rentrant. Il sortit de sa voiture et couru vers moi. Je me laissai aller contre lui. Je le regardai, ses yeux me fixaient, ses cheveux trempés retombaient sur son front.
Un petit sourire se dessina sur mes lèvres malgré tout, il était là maintenant et je me sentais mieux. Il était venu me chercher sans poser de questions et je l'en remerciai.
« Allez viens, on va rentrer, l'eau commence à mouiller ! »
Je le suivis silencieusement, jetant furtivement des regards en arrière. Kyle avait su me rassurer avec ses mots et j'avais fini par m'endormir.
Mais le réveil est toujours plus difficile...