N.F, 2074
Une fois, Madelyne m'avait fait écouter une chanson de John Mayer, je me souviens encore des paroles. Bien que je n'ai aucune culture musicale, je me rappelle de celle-ci. Elle m'avait tant remuée que je l'avais enregistrée sur mon Pad.
Là, j'ai l'air d'une folle. Je me tiens debout, pieds nus, portant le même T.shirt de Julien depuis une semaine. Je viens de me réveiller. J'ai la flemme de m'habiller, une fois de plus ! Le coton m'enveloppe telle une bulle magique. Son odeur encore imprégnée dans le tissu, me donne le sentiment d'être dans ses bras d'acier. Dans nos souvenirs, à l'abri des regards, j'aime m'enfermer. Seulement, de suite, j'ai besoin d'écouter cette chanson-là. C'est vital ! C'est primordial ! Je suis le point de fissurer la coquille dans laquelle je me suis emmurée.
De craquer dans un flot de larmes.
De voler en éclats sur le sol.
Crac crac crac
Mes pieds nus courent sur le sol froid. Dans un élan de désespoir, je me mets à fouiller toute la chambre à la recherche de ce fichu appareil. Je ne me souviens plus dans quel carton je l'ai mis. Ça fait un peu plus d'un mois que Julien est mort. N'ayant pas eu le courage de déballer nos affaires (depuis le retour chez mes parents), les boîtes s'amoncèlent dans les moindres recoins de la pièce. Rageusement, j'envoie balader le faire-part de notre beau mariage contre le mur. Notre photo, imprimée sur le puzzle, se désintègre, les morceaux retombant sans bruit sur le parquet.
Voilà ce que je ressens !
Voilà ce que je suis !
Je suis brisée.
Abimée.
En mille morceaux.
Le coeur en miettes.
Seule.
Dysfonctionnelle.
Mais où est donc ce Pad ? Je vide les cartons uns à uns dans une rage folle, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus aucun. La chambre est sans dessus dessous. Cet effort a aspiré le peu d'énergie qui me restait. Éreintée, je m'écroule parmi les décombres. Tout mon être est une bombe à retardement, prêt à exploser à chaque instant. Je me mets à pleurer encore et encore. La tête enfouie dans l'oreiller moelleux, j'hurle de douleur. Mon cri est inattendu.
Rien à faire ! Le trou dans mon coeur est toujours là. Et ça fait un mal de chien !Je suffoque. Je respire à moitié.
Je finis par me lever et aperçois mon pâle reflet dans le miroir. Mes yeux sont rouges, cernés et bouffis. Mes cheveux affreux. Pas lavés depuis une semaine. Ma tignasse rousse prend des proportions atroces, coiffée dans tous les sens. Je ressemble à un lion enragé et indomptable.
Soudain, je me souviens avec clarté où j'ai posé mon Pad, oublié sur la table de la cuisine.
Mon coeur amoché, bat à tout rompre dans ma cage thoracique, prêt à bondir de ma poitrine. Désespérée, je cours pour atteindre mon but, passant dans le salon, sans prendre le temps de dire bonjour à mes parents. Mon épaule se heurte au mur de la cuisine. Aïe ! Je déboule dans la pièce en poussant un cri et mes yeux scrutent les alentours. Il est là ! Je soupire de soulagement. Je prends le trésor de mes mains tremblantes. Le scan de mes empreintes fait, j'accède au fichier audio et presse play. Dreaming with a broken heart remplit la pièce de sa mélodie. Les notes de piano me transportent déjà...La voix du chanteur est rauque et éraillée. Tout comme lui, moi aussi j'ai dormi avec le coeur brisé. Se réveiller, est en effet la partie la plus difficile. Je me rends compte que Julien est parti...Il est parti...
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LIBRE #wattys2017. Série Brèches (terminée, en correction)
Fiction générale"Mon arrogant mari a dit cela de sa grave voix, semblable à celle des méchants dans les films visionnés avec Madelyne. Le genre qui fait flipper ! Remarque, ça colle bien avec sa personnalité de psychopathe, pensé-je. Là dernière fois que je me s...
