chapitre 6

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La porte sonne, et une voix claire m'invite à venir chercher le courrier, je saute sur mes pieds. Peut-être y aurait-il dans ce tas de papiers chiffonés une lettre d'Eve ? Cela fait déjà deux semaines qu'elle est partie pour le Pérou, un voyage humanitaire, son occupation principale depuis qu'elle a quitté la maison familiale. Et moi je suis là, encore et toujours, inlassablement indetachable de notre maison dans les Pyrénées. Mon boulot, prof de musique, rythme mon quotidien, je suis calme, apaisé, heureux car la routine me convient. Hélas ce n'est pas le cas de Eve, depuis que nous avons décidé de nous installer ici ensemble, après nos retrouvailles, elle ne passe pas plus de 2 jours à la maison. Et le temps, sans elle, me semble infinie. Ses débuts d'études de médecine lui servent finalement, et contre toute attente, à réaliser des missions humanitaires partout dans le monde. Elle m'envoie, de temps en temps, une photo, aux milieu d'enfants, elle me dit qu'elle leur parle de moi et de notre amour. La semaine dernière l'un d'eux sur une photo lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, il aurait pu être le notre... Si seulement il avait été le notre. Ma jalousie me dégoûte, je suis adulte maintenant je n'ai pas besoin d'elle comme ces enfants en ont besoin, ce qu'elle fait est génial.  Mais pourquoi dans mes rêves les plus fous je la voit mettre au monde le fruit de notre amour alors qu'elle donne déjà tout son temps à des enfants ? Peut-être que je l'admire dans sa cause si dévouée et au fond m'a jalousie vient juste du fait que je ne fais rien de particulièrement bien, moi... Alors mon esprit vagabonde et je repasse dans ma tête ces moments devenus lointain. La période entre nos retrouvailles et notre installation ici fut la meilleure que je n'avais jamais vécu. Nous primes la décision de tout quitter pour s'installer ensemble, ce fut surtout éprouvant pour moi, qui n'était jamais encore sorti de mon Paris natal et qui vivait encore chez mes parents. Nous passions nos journées enfermés dans l'une de nos deux chambres, nous imaginant des futurs invraisemblables, parfaits et éternels. Nous voulions des centaines de bambins, des animaux partout et des champs à l'infini. Et puis un jour, nous tombèrent sous le charme de cette vieille grange au milieu de nulle part. L'endroit était situé tout en haut d'une colline, bordée de champs de tournesols, la masure dominait la vallée de toute sa vieillesse, témoignant d'un vécu certain. Et nous, tout jeune encore dans cette vie, nous sentions protégés dans ces murs étroits. Je me mis rapidement à peindre le paysage, qui m'avait bluffé au premier coup d'oeil, et mes tableaux remplissaient le salon. Mais Eve ne supportant pas le quotidien quitta bientôt notre demeure de plus en plus souvent, me laissant seul entre ma peinture et mon piano. Et plus je restais seul, plus mes sautes d'humeur devenaient fréquentes. Eve était un papillon qui me passait entre les doigts un peu trop souvent. Hélas, je ne rêvais que de famille, de bonheur, d'une vie d'amour et d'eau fraîche dans nos champs de tournesols, d'une vie passée main dans la main, corps contre corps. Mais je l'aimais, je restais à l'attendre, vivant de ses nouvelles, de ses aventures, mais aujourd'hui il n'y a pas de lettre pour moi, pas de rayon de soleil dans ma journée, alors je peints, encore et toujours, ses portraits, dessinant autour de sa tête une fleur de tournesol. Alors je fume une dernière clope avant de partir pour le conservatoire, un dernier coup d'oeil au miroir de l'entrée m'offre l'occasion de remarquer à quel point je ne prends plus soin de moi. Je ne me suis pas rasé depuis le dernier départ de Eve, il y a 3 semaines et ma barbe est un complet fouilli, mes yeux sont cernés, mes cheveux bruns trop long. Enfin, je suis déjà en retard, j'attrape mes clefs et prend le volant.

10 jours après.
La porte sonne, et s'ouvre en suivant. Je me redresse aussitôt et cours dans l'entrée. Elle se jette à mon cou et alors je sens monter, au plus profond de mon coeur, une vague de bonheur.  "Mon amour, chuchote-t-elle, comme tu m'as manqué, sur tu savais les choses merveilleuses que j'ai vu, il faut que je te raconte. Oh mais tu n'as pas changé, sauf ces vêtements... Permet moi de douter de leur propreté. Comme j'ai souvent pensé à toi chéri, tu étais partout"
Et ne me laissant pas le temps de répondre elle m'entraîne dans ses histoires de périples exotiques. Ça y est, le but de ma vie est revenu, je ne suis plus seul désormais, oh comme mes souffrances se sont vite envolées à la vue de son visage, comme si tout mes doutes n'avaient jamais étaient. Dans un élan de tendresse, je la serre et l'embrasse. Elle sent le soleil. Pourtant elle me repousse en riant, elle dit qu'elle est sale, que le temps n'est pas à l'amour. Où est parti mon Eve, mon tendre ange enjoleur ? Elle me laisse pour ce qu'elle estime plus important que moi, je déteste quand son côté matériel, de princesse gâtée prend le dessus. Au fond restera-t-elle toujours cette petite fille gâtée ? Eve est cet astre admiré et qui le sait, cette fleur poussant au dessus des autres, la première regardée, touchée Eve est cette fille qui a tout pour elle, qui est rebelle, affirmée, et magnifique comme intelligente. Je me demande souvent, pendant ses absences, si elle ne fait pas tout cela juste parce que c'est "bien". Enfin, je ne peux rien dire, qui suis si je ne suis pas pauvre pêcheur à la vie dénuée de sens. Ou peut-être être est ce elle le but de ma vie ? Suis je destiné à la regarder comme comme à genoux devant une déesse capricieuse ?
Elle sort de la douche, sourire aux lèvres, je reste sur la défensive, l'observant allongé sur le canapé. Elle vient vers moi et tire un coffret de sa poche, une magnifique petite boîte en bois vernis, aussi belle que simple. Je la prends, hésitant et l'ouvre. Une magnifique bague en une matière qui m'est inconnue trône sur un velour foncé. Est ce de la roche, de l'argent ou du cuivre ? Mais bien vite la raison me rattrape.
" Pourquoi... Que veux tu dire ?"
Elle se met alors à genoux en riant.
" Sois mon fiancé mon amour, je suis sûre de mon choix, tu es celui que je veux pour partager ma vie "
Alors je me jette dans ses bras, et une larme m'échappe alors que je lui murmure "oui" à l'oreille.

Aquarelle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant